“Tous Créoles !” : Apaiser le modèle social créole
Créée en novembre 2007, l’association “Tous Créoles !” se définit comme un espace d’échange où tous les sujets sociétaux concernant le monde créole peuvent être abordés. Plus qu’un exutoire, c’est une volonté de créer une œuvre collective. Rencontre avec quelques-uns de ses animateurs : Roger de Jaham, co-Président, Nicole Desbois et Erick Dédé, Vice-Présidents, et Emmanuel de Reynal, membre du conseil d’administration.
Comment s’est fait ressentir le besoin de créer ou rejoindre “Tous Créoles !” ?
Nicole Desbois : Je crois que, pour chacun d’entre nous, le déclic s’est produit à un moment ou à un autre de nos carrières professionnelles. Malheureusement et assez paradoxalement, en Martinique en particulier, les occasions de se rencontrer sont assez limitées et se résument bien souvent à l’entreprise. Les tensions entre les différentes membres de la société, les apports historiques, tous les non-dit remontent alors et influent de manière négative sur la qualité des relations humaines, notamment hiérarchiques. Je pense que c’est pour casser ce processus que nos membres nous rejoignent, pour faire naitre de la connaissance et de la proximité d’autrui, des relations “normales” respectueuses de l’Autre et de ses différences conditions indispensables à la construction la construction d’une société apaisée.
Comment doit se construire cette appartenance “Créole” selon vous ?
Erick Dédé : Quand on grandit ici, on s’enferme dans les préjugés et dans nos constructions mentales héritées. Parti pour mes études en France, j’ai découvert les autres créoles :
Guadeloupéens, Réunionnais, Malgaches, Caribéens anglophones… Et là, cela a été une véritable révélation sur ce qui nous définit, nous unit et la nécessité d’arriver à dépasser notre façon de penser. S’affirmer à travers “Tous Créoles !”, c’est tendre vers l’ouverture, vers l’intégration caribéenne, vers la rencontre de l’Autre, mais aussi du semblable, qui permet d’avancer ensemble plus forts. C’est en explorant les limites de notre identité, qu’on se sent plus proches de ses voisins, quelle que soit leur communauté historique d’appartenance.
Quel est l’impact de l’état des relations sociales sur le monde de l’entreprise ?
Roger de Jaham : Les relations humaines biaisées par des apports historiques émotionnels dégradent le climat social des entreprises. Elles ne sont pas à la base des conflits sociaux, mais les tendent, les durcissent, les rendent émotionnels et incontrôlables. Et cela peut devenir un véritable frein au développement économique. On peut s’amuser à imaginer un indicateur macro-économique de l’état des relations humaines, pour pouvoir mesurer son impact sur le PIB local. Les enseignements seraient édifiants.
Quelles sont les actions de l’association et comment s’organise-t-elle ?
Emmanuel de Reynal : “Tous Créoles !” compte aujourd’hui 230 membres entre Paris et les différents départements d’Outre-mer. Nous réunissons un conseil d’administration tous les mois pour conduire les actions de notre association : des rencontres avec les acteurs de notre société, qu’ils viennent du monde économique, universitaire ou associatif. Mais aussi des sorties culturelles, des randonnées, des présentations d’ouvrage, des conférences, des manifestations publiques et conviviales… Des moments où s’incarnent nos valeurs de découverte de l’Autre, d’échange et de construction positive.