Sophie Lubin, fanm tech

Depuis Paris et avec le soutien d’une équipe locale, Sophie Lubin veut initier les femmes à la tech. Son but : leur émancipation et leur intégration au monde de demain.

Sophie Lubin © Gael Rapon
Amandine Ascensio

Depuis Paris et avec le soutien d’une équipe locale, Sophie Lubin veut initier les femmes à la tech. Son but : leur émancipation et leur intégration au monde de demain.

Texte Amandine Ascensio

« Durant le Covid, j’ai participé à des hackathons (1) qui rassemblaient des gens du monde entier : Italie, Espagne, Mexique, Canada, Thaïlande… », raconte Sophie Lubin. Mais de Guadeloupe, l’île d’où vient sa famille, où elle a grandi : personne. Alors que la période du confinement mettait le monde à l’arrêt, la responsable d’équipe à la direction des systèmes informatiques d’une branche de chez Safran, un équipementier international de l’aéronautique, saute le pas.

Le parcours inspirant de Sophie Lubin

À l’époque, elle frisait le burn-out, confie-t-elle. Trop de travail, trop de projets, pourtant tous réalisés avec le même enthousiasme. Celui- là même qui la pousse à la création de Maryse Project, une association qui vise notamment à motiver et à aider les jeunes filles et les femmes de Guadeloupe, à entrer dans la technologie et les métiers du numérique, où elles sont encore très (trop) peu représentées.

« Faire avec ce que l’on a »

Sophie ne se confie pas vraiment sur sa vie privée. À peine saura-t-on qu’elle a deux enfants, grands déjà, qu’elle est née dans l’Hexagone et qu’elle a passé son enfance à Pointe-à-Pitre, avant de repartir, à 17 ans, pour ses études. « Mes collègues m’ont déjà qualifiée de rouleau compresseur », admet-elle, concédant une persévérance mordante.

Elle raconte, d’une voix égale, ses ambitions et ses aspirations. Pour elle, l’innovation et la tech sont les outils qui offriront, aux femmes de son archipel, les solutions à leurs problèmes. Car, dit-elle, les femmes de Guadeloupe sont particulièrement concernées par une foule d’obstacles : le surendettement et la monoparentalité où elles sont sur-représentées, mais aussi, et comme partout, les emplois moins qualifiés, moins rémunérés, la double charge de travail professionnel et domestique.

Quand on lui demande si cette sensibilité lui vient de sa propre expérience, elle éclate de rire et répond que « non, pas du tout ». Juste d’une prise de conscience, portée par l’observation d’un monde parfois cruel avec ses congénères.

Vers un avenir technologique et inclusif

« La Guadeloupe est toutefois un lieu où l’on est très fort en innovation frugale, c’est-à-dire qu’on fait avec ce que l’on a. Je reste persuadée qu’avec les outils numériques, on peut passer à l’échelle supérieure. »

Mais pour cela, il faut les connaître et les maîtriser. Elle a commencé sa carrière dans le commerce, en tant qu’assistante export. « J’étais dans une petite entreprise et je me revois faire les tests informatiques avec celui qui s’occupait de ça. » Sophie adorait cet outil mis au service de son pragmatisme.

À désormais 49 ans, elle veut transmettre. « Je ne suis pas pour les injonctions qui disent aux gens, et particulièrement aux filles, ce qu’elles doivent faire : quand je crée des événements de sensibilisation, les jeunes s’amusent et apprennent sans en avoir l’air, avec un peu d’algo ici, un peu de NoCode là. »

L’idée ? Planter une graine et la laisser grandir. Pour, peut-être, petit à petit, changer le « mindset » (état d’esprit) d’un territoire, rappeler que le mythe de l’égalité atteinte n’est encore qu’une légende, parler d’intelligence collective et de fonctionnement en système. « Ça fonctionne encore trop souvent en silos et il faut changer ça pour survivre au monde qui vient. » Militer, inlassablement. Avec les femmes.

(1) Compétition d’innovation où les participants se réunissent pour générer des idées et concevoir des solutions sur une période très courte.


Retrouvez cet article dans le hors-série Portraits Guadeloupe de mars 2024.