SmartBiotic, développer une médecine personnalisée

Les recommandations médicales pour l’Outre-mer sont identiques à celles de l’Hexagone, alors que le milieu bactérien est différent. Mathieu Raad, médecin anesthésiste réanimateur, propose donc de développer une médecine factuelle, basée sur du calcul.

Mathieu Raad, médecin anesthésiste réanimateur, fondateur de SmartBiotic © Dominick Gravel
Yva Gelin

Les recommandations médicales pour l’Outre-mer sont identiques à celles de l’Hexagone, alors que le milieu bactérien est différent. Mathieu Raad, médecin anesthésiste réanimateur, propose donc de développer une médecine factuelle, basée sur du calcul.

Par Yva Gelin – Photo Dominick Gravel

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’écologie bactérienne d’un milieu…

Plus on pratique, plus on se rend compte qu’il y a des différences majeures selon les milieux et qu’il faut prescrire des médicaments en fonction des bactéries propres à chacun pour qu’ils soient efficaces. Quand un patient effectue un prélèvement bactérien, des tests de résistance à des antibiotiques sont faits et c’est cela qui permet d’avoir une meilleure connaissance de ce qu’on appelle l’écologie bactérienne d’un milieu. Mais, en réalité, nous n’avons pas facilement accès à cette information et c’est cette difficulté- là qu’on cherche à aplanir avec SmartBiotic. Mon but, en tant que médecin, est de valoriser l’information qu’il y a dans les laboratoires pour la ramener auprès des prescripteurs de manière facilement interprétable. On a donc développé une méthode de calcul qu’on a brevetée en Europe, au Canada et aux États-Unis. Celle-ci synthétise les informations en lien avec l’écologie bactérienne d’un milieu et celles tirées de différents prélèvements donc, pour que les médecins et les cliniciens puissent les utiliser, afin d’améliorer les prescriptions antibiotiques.

Concrètement, que propose SmartBiotic ?

Chaque jour, des dizaines de prélèvements sont réalisés dans les CHU et ont pour but de bénéficier individuellement au patient. Mais à l’échelle populationnelle, ils représentent une information cruciale pour la compréhension de l’écologie bactérienne d’un milieu. Le logiciel SmartBiotic fait donc la synthèse de toutes les informations d’un ensemble de prélèvements en moins d’une seconde. En se basant sur des profils similaires, cela nous permet d’élaborer des prédictions à trois niveaux. Une prédiction de la bactérie concernée, de son profil de résistance, et surtout de l’antibiotique à prescrire. C’est une façon de tester, dans l’ordinateur, les combinaisons antibiotiques et de voir lesquelles ont le plus de chance de guérir. Tout est fait à l’intérieur de l’hôpital et les informations restent strictement confidentielles.

Quel a été le déclencheur avant de créer cette technologie ?

Avant de revenir en Martinique, j’ai passé six mois à Madagascar. Là-bas, nous n’avions aucune idée des bactéries présentes sur place et on traitait les patients selon les protocoles français. Plus concrètement, un jour, un bébé est mort dans nos bras après quelques heures. On lui avait donné des antibiotiques suivant le protocole français, on a fait avec ce qu’on avait comme informations. C’est là qu’on s’est dit que c’était absurde de ne pas utiliser les dizaines de prélèvements effectués chaque jour pour améliorer les pratiques. Cette méthode fait particulièrement sens pour l’Outre-mer (1).

Où en est SmartBiotic actuellement ?

Le logiciel va évoluer de façon à alimenter une médecine factuelle, basée sur du calcul. Cela va permettre de développer une médecine personnalisée qui pourra également faire des prédictions individuelles. Nous avons commencé à être commercialisés au Canada et nous avons hâte que le cycle de vente s’accélère aux Antilles. Pour l’instant, il y a un décalage du cadre administratif où la culture de l’innovation est débutante. Mais les confrères sont enthousiastes.

(1) Il peut y avoir jusqu’à 30 % d’échecs dans les traitements prescrits en Outre-mer.