Siva Industrie, des fruits locaux exportés en sécurité
Interdites à l’export en raison de la mouche orientale, les mangues réunionnaises peuvent à nouveau être envoyées à l’étranger depuis 2022. Siva Industrie a créé un procédé innovant pour éliminer le parasite.
Interdites à l’export en raison de la mouche orientale, les mangues réunionnaises peuvent à nouveau être envoyées à l’étranger depuis 2022. Siva Industrie a créé un procédé innovant pour éliminer le parasite.
Par Lola Fourmy – Photos Ophélie Vinot / Hans Lucas
C’est un petit fruit d’environ 4 cm, dont l’apparence pourrait rappeler le fruit de la passion. Pourtant, sa chair blanche et acidulée n’a rien à voir. Ce fruit, c’est le mangoustan. Et c’est à cause de lui que la vie de Siva Grondein et Ophélie Pomeng a été totalement transformée. Nous sommes en 2018 et Siva, alors ingénieur dans un grand groupe, cherche à s’en procurer. Impossible. Le fruit d’Asie ne pousse pas à La Réunion et est interdit d’importation en raison des normes en vigueur sur l’île. L’ingénieur y voit un défi. Après des voyages en Thaïlande et un travail acharné pour comprendre la réglementation, il parvient à obtenir une dérogation.
Une prouesse qui lui permet alors d’être repéré par la DAAF,
la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de La Réunion. Cette dernière lui lance alors un challenge : réussir à trouver une solution permettant d’exporter à nouveau les mangues et autres fruits réunionnais sans prendre le risque de contaminer les pays tiers avec la mouche des fruits. Mais ici, pas question de modifier la législation, il faut trouver un traitement. « C’était un nouveau défi et on l’a relevé », s’enthousiasme Siva Grondein.
Après deux ans de R&D, de collaboration avec les experts du CIRAD et du CIROI, la solution est là. Siva Industrie a trouvé un traitement sans aucun produit chimique à appliquer en post-récolte sur les fruits : la vapeur d’eau. Si le procédé précis est tenu secret — car convoité par la concurrence — son prototype d’unité de traitement permet de préparer 40 kg de fruits par cycle. « J’aurais pu choisir d’irradier les fruits pour les traiter, mais éthiquement, ça me posait problème », raconte l’ingénieur, aussi diplômé d’agronomie. Et il a ça dans le sang : son grand-père, avant lui, était agriculteur. En 2021, c’est le Graal : la DAAF leur accorde un agrément définitif.
Une reconnaissance nationale
« La solution que l’on détient est une pépite parce qu’on devient incontournables dans la chaîne d’export et on permet d’augmenter la durée de consommation de dix jours », avance Siva. Pourtant, il admet que « se lancer a été un parcours du combattant. Quand on n’est pas issu de ce monde-là, qu’on ne fait pas partie des gros de la place, il faut se battre ». Menaces, intimidations, échecs… Le couple s’accroche et finit par convaincre. En 2020, la start-up obtient un crédit d’impôts recherches, puis fait reconnaître son projet comme innovant. Deux ans plus tard, ils montent sur scène pour défendre leur projet devant le parterre d’invités de la French Tech Rise. Et c’est ensemble qu’ils décrochent le prix du public, une première pour une entreprise ultramarine. En 2023, le succès se poursuit avec le prix Innovation Outre-mer dans la catégorie agritech. La start-up grandit vite : « On a commencé dans un labo de 25 m2 au CIROI. Depuis novembre, on est installé dans ce local de 120 m2 et le prochain objectif, c’est l’usine », détaille le chef d’entreprise.
En moins de deux ans, Siva industrie a déjà conquis plusieurs centaines de particuliers, des producteurs indépendants mais aussi des grands groupes comme Leclerc ou La Poste, avec qui il s’est associé, pour envoyer des colis de fruits pour Noël, en toute sécurité. Prochain objectif, traiter aussi les fruits infestés non réglementés : les ananas et les fruits de la passion, pour éviter toute contamination par la mouche des fruits. Et développer, aussi, les fruits déshydratés.
Le couple de startupeurs entend bien essaimer sa solution à l’ensemble des Outre-mer et à l’international. Pour ça, il s’apprête à lancer une levée de fonds et vise l’obtention d’un million d’euros. En attendant, Siva et Ophélie gardent les pieds sur terre. Et, surtout, dans leur terre. Ils ont ainsi investi dans un terrain, se sont formés en tant qu’agriculteurs et produisent des fruits car la détermination est là. « Nous voulons faire de Siva Industrie une solution pour favoriser l’innovation dans toute la filière agricole. Il faut prévoir les modèles alimentaires de demain et orienter ça de manière bénéfique. »
Retrouvez cet article dans le hors-série Outre-mer Innovation.