Sarra Gaspard, tête chercheuse

Sarra Gaspard est une chimiste bien connue en Guadeloupe, notamment pour ses recherches sur la dépollution des sols et sur le charbon actif de sargasses. Un combat plus qu’un métier, construit tout au long de son parcours.

Sarra Gaspard © Cédrick Isham Calvados
Amandine Ascensio

Sarra Gaspard est une chimiste bien connue en Guadeloupe, notamment pour ses recherches sur la dépollution des sols et sur le charbon actif de sargasses. Un combat plus qu’un métier, construit tout au long de son parcours.

Texte Amandine Ascensio

SCIENCES.

« C’était une thèse en pharmacologie », raconte Sarra Gaspard, qui nous a reçus chez elle, au Gosier, pour nous raconter ses longues études. Au départ, elle voulait être médecin, avant de se tourner vers la biologie. Finalement, c’est la chimie qui a eu raison de son orientation, emportée par un prof du lycée de Baimbridge.

Un prof « avec une bouille pas possible » passionné par sa matière et qui a su intéresser la classe et la jeune Sarra de l’époque. « Mes parents nous ont toujours poussés à faire des études », explique la désormais chercheuse universitaire, accomplie et connue pour travailler à la dépollution des sols en manipulant molécules et bactéries.

ITALIE.

Après sa thèse, se présente l’opportunité de partir en post-doctorat, en Italie. « J’ai pris des cours du soir, pendant deux mois, pour apprendre l’italien, en même temps que je finissais la rédaction de mon manuscrit », relate Sarra, souriant au souvenir de ce moment intense de sa vie. Forte de sa vingtaine, elle arrive à Pavie, ville d’Italie du Nord, très estudiantine et cosmopolite.

« Bizarrement, je me suis rendu compte que je n’étais plus capable de penser en français, mais uniquement en créole. » Un déclic pour motiver son envie de rentrer en Guadeloupe, après un détour par les coteaux suisses pour travailler sur les questions de dépollution. « Là-bas, j’ai pris conscience que c’était ça que je voulais faire » : mettre la chimie au service de la société.

PESTICIDES.

Elle postule trois fois à l’université des Antilles avant de décrocher un poste. Au début des années 2010, « les questions de dépollution sur les pesticides n’étaient pas vraiment dans l’air du temps surtout pour la molécule de chlordécone, dont on affirmait qu’elle ne pouvait pas se dégrader », rappelle- t-elle. C’était sans compter sur son opiniâtreté.

« Je me suis rappelée, en cherchant dans la littérature, que l’une des molécules sur laquelle j’avais déjà travaillé, le lindane (autre pesticide organochloré), était aussi réputée non-dégradable », se souvient malicieusement Sarra Gaspard, adepte du « quand on cherche, on trouve ». Depuis son poste d’enseignante-chercheuse, elle a conduit de nombreux doctorants à mener leur thèse à bien, sur ces problématiques.

SARGASSES.

« Je ne me décourage jamais »

Désormais, et depuis 2019, c’est sur les sargasses qu’elle cherche. Portée par ses recherches autour de la dépollution et du fait que les charbons actifs de végétaux permettent de fixer les molécules, elle décide de s’attaquer à l’algue qui pourrit sur les rivages de la Caraïbe. Reste la question des financements pour faire avancer la recherche.

Elle regrette l’absence de prise en compte de certaines problématiques locales, la déconnexion régulière entre la technique et la politique, qui continue d’autoriser l’utilisation de pesticides quand elle s’acharne à trouver les solutions de dépollution. Mais « je ne me décourage jamais », dit-elle, persuadée qu’on finira bien par trouver des solutions durables.


Retrouvez cet article dans le hors-série Portraits Guadeloupe de mars 2024.