Sandrine Alivon, nom d’artiste Alisand

C’est tout un continent qu’elle protège, celui de l’enfance. Sandrine Alivon est une héroïne.

« Je suis devant un mandala que j’ai dessiné sur un mur, chez moi. J’aime graver l’amour sur de grands espaces. », Sandrine Alivon © Jean-Albert Coopmann
Alix Delmas

C’est tout un continent qu’elle protège, celui de l’enfance. Sandrine Alivon, de son nom d’artiste Alisand est une héroïne.

C’est un chemin de vie en forme de tresse. Retracer le parcours de Sandrine Alivon, de son nom d’artiste Alisand, c’est emprunter tour à tour les voies de la résilience, de l’engagement et de l’art.

Alisand nous accueille chez elle avec un thé, du chocolat et un sourire qui met en confiance immédiatement. Il est vrai que son travail de psychologue clinicienne depuis plus de 20 ans y est pour quelque chose. Son atelier d’artiste est au centre de la pièce, gouaches, aquarelles, pinceaux, des nuances de couleurs à l’infini débordent des mandalas qu’elle crée.

Certains sont accrochés au mur, complétés de mantras, autant d’évocations pour un retour à soi salutaire. Mandala signifie “centre” en sanskrit.

Déraciner l’indifférence

Alisand est née artiste, depuis toujours, elle compose des poèmes et dessine. Alisand est aussi née dans une immense violence. Au départ, ses études de psychologie lui servent à comprendre la souffrance, une quête de guérison pour soi d’abord, puis pour les autres, elle en fera son métier.

Reconnue et saluée dans sa pratique qui s’articule sur quatre principaux champs d’intervention – psycho-traumatisme, périnatalité, parentalité, oncologie/maladies lourdes – elle y mesure l’ampleur de la maltraitance des enfants et notamment les abus sexuels. « C’est un tsunami planétaire, j’ai découvert sur mon chemin que je défendais une cause, celle de la dignité de l’être humain dans l’enfance. »

A chacune de ses prises de parole médiatiques, dans ses conférences, elle rappelle qu’il ne s’agit pas d’un enjeu psychiatrique mais bel et bien d’un enjeu politique. Pour déraciner l’indifférence, la parole niée des victimes, elle appelle à un sursaut, une révision complète des principes éducatifs et cite notamment les travaux de la psychanalyste Alice Miller et son ouvrage majeur C’est pour ton bien.

J’ai découvert sur mon chemin que je défendais une cause, celle de la dignité de l’être humain dans l’enfance.

Une justice intérieure

Alisand quitte la Martinique à l’âge de 18 ans pour vivre et étudier à Paris, elle voyage énormément et y débute sa vie professionnelle. Le suicide de son meilleur ami lorsqu’elle a 32 ans agit comme un catalyseur, il lui faut rentrer chez elle. Elle décide de porter plainte contre ceux qui lui ont fait du mal, enfant, et délivre un message puissant  : « On s’en sort. Je suis guérie, j’ai mené une épopée. »

Une justice qui est aussi intérieure  : en retrouvant sa puissance créatrice, résiliente de l’inceste, lettrée, artiste, Alisand propose des ateliers pour venir en aide à ceux qui souhaitent reprendre possession de leurs pensées, émotions, paroles, désirs, limites et besoins.

Elle délivre aussi des conseils en aménagement du lieu de vie. Elle est l’autrice d’un manuel de nettoyage intérieur pour guérir de ses blessures, en cours d’édition.

La bonté, la beauté et la grâce

Alisand nous invite à un monde de tendresse, car « sans, on survit » nous dit-elle. À l’image de Niki de Saint-Phalle, une artiste qu’elle admire, grande et svelte, Alisand est l’exemple parlant que la forme suprême de l’intelligence est la bonté.

Ses bras portent des tatouages marquisiens, symbole du messager, de l’infini et des fleurs de géométrie sacrée. Sur la tresse de son chemin de vie, une quatrième voie s’esquisse, une danse, celle de la grâce, ce supplément d’âme qui rend les êtres précieux beaux et indestructibles. Son souhait pour nous tous.


Retrouvez cet article dans le hors-série Portraits Martinique n°2, édition 2024.