Tendance au travail : le quick quitting
En 2022, le taux d’ancienneté courte augmentait de près de 10 % aux États-Unis. Une facilité à rapidement quitter son emploi de plus en plus répandue et non sans effet pour les entreprises : le quick quitting.
Texte Axelle Dorville
Quand quick quitting et désillusion vont de paire
Avant, c’est-à-dire avant l’arrivée de la génération Z sur le marché du travail, avant le Covid également, quitter une entreprise au bout d’un, deux ou trois ans, était perçu comme un signe d’instabilité et un manque de loyauté. Aujourd’hui, on (la génération Z mais aussi les cadres, selon les études) hésite largement moins à quitter son entreprise au bout d’un an, quand ce n’est pas quelques mois à peine après sa prise de poste. C’est ce que l’on appelle outre-Atlantique le quick quitting, ou l’art de larguer les amarres avant un an. Il faut dire qu’avec un marché de l’emploi en forte demande, tous les signaux étaient au vert pour faciliter cette tendance. En France, l’APEC (Association pour l’emploi des cadres) estimait en 2022 qu’au cours des 10 dernières années, un quart des cadres avait déjà réalisé une démission précoce (avant 2 ans de contrat) et plus particulièrement chez les moins de 35 ans.
Le quick quitting serait un signe d’impatience voire d’intransigeance de la part des profils juniors fraîchement embauchés, comme des managers plus aguerris. Il s’avère qu’il s’agit surtout d’une envie de trouver (au plus vite) un emploi correspondant mieux à ses attentes, en termes de valeurs, de management, de rémunération, de possibilités d’évolution, d’équilibre vie professionnelle vie personnelle. Le quick quitting pourrait donc être le symptôme d’un manque d’alignement entre les attentes des employés et des pratiques de l’entreprise, voire une désillusion des nouvelles recrues par rapport à ce qui leur aurait été vendu au cours du processus de recrutement. De quoi faire grimper le turnover des entreprises et impacter le retour sur investissement des recrutements…
Lire Aussi | Job Crafting : nouvelle tendance au travail
Recréer les conditions de la satisfaction au travail
Face à cette tendance de démissionnaires précoces, il faudra sans aucun doute engager un travail de refonte des processus de recrutement mais aussi de la culture même de l’entreprise. Ainsi, selon le MIT Sloan Management Review, une culture managériale toxique serait un facteur prédictif de démission dix fois plus important qu’un salaire insatisfaisant. La démission précoce dénoterait ainsi d’une nécessité de se protéger d’un environnement et de conditions de travail délétères pouvant impacter le bien-être mental. Si l’on en croit l’APEC par contre, la rémunération constituerait le premier facteur de démotivation au travail des jeunes diplômés, avant l’ennui ou l’absence de reconnaissance. Quoi qu’il en soit, de nombreuses études conviennent que la flexibilité, les relations facilitées avec sa hiérarchie, l’autonomie, la formation, les avantages financiers ou en nature et le sens de ses missions, sont des facteurs de bien-être, de motivation et d’investissement des employés. Pour ce qui est du recrutement, soigner l’accueil de la nouvelle recrue et mettre en place un suivi régulier pendant les premières semaines permettraient de s’assurer de mieux répondre aux attentes de chaque partie et d’éviter les frictions.
Lire Aussi | Et si on partageait le travail ?
Entre quick quitting et job hopping
Le quick quitting peut aussi être le signe de job hopping, qui signifie “sauter d’un emploi à un autre” tous les 1 à 3 ans. Les raisons sont multiples : le défi de se dédier à un projet sur un temps limité ; la possibilité de pouvoir s’engager pour une nouvelle cause à chaque nouvelle mission ; l’envie de développer de nouvelles compétences propres à des contextes de travail différents ; ou plus prosaïquement par stratégie financière, afin de pouvoir négocier pour augmenter en rémunération à chaque changement d’employeur. Grâce à leurs multiples expériences, les job hoppers développent de bonnes capacités d’adaptation leur permettant de s’intégrer plus rapidement à leur nouvel environnement. Un gain d’efficacité, en plus d’un apport d’expérience (et de réseau !), pour l’organisation qui recrute.