Les Outre-mer, vers une nouvelle forme de voyage ?
Camaïeux de turquoise, soleil insatiable, patrimoines forts… Les Outre-mer cumulent les atouts et accueillent souvent un tourisme de masse. Un modèle qui pourrait bien évoluer vers une autre forme de voyage, comme nous l’explique Inès Bouchaut-Choisy, présidente du groupe Outre-mer au sein du Conseil Economique Social et Environnemental.
En 2015, les territoires ultramarins reçoivent près de 2,5 millions de visiteurs et 1,3 million de croisiéristes….
Inès Bouchaut-Choisy : Ce chiffre considérable place les Outre-mer parmi les premières destinations touristiques françaises ! Martinique, Guadeloupe, Réunion et Saint-Barthélemy sont leaders. Ils concentrent près de 77 % des arrivées.
Puis viennent la Polynésie française (qui reçoit 200 000 visiteurs par an), la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin et la Guyane dont le nombre de touristes tutoie les 100 000 par an.
Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon, Wallis-et-Futuna, avec 50 000 visiteurs annuels, ont des flux plus modestes.
Qu’est-ce qui nous rend fous des Outre-mer ?
Les territoires ultramarins ont d’immenses atouts touristiques humains, naturels et patrimoniaux, spécifiques et incroyablement divers ! Ces qualités, d’ailleurs, ne sont pas assez mises en valeur pour bien positionner ces territoires dans leur environnement concurrentiel direct.
Comment optimiser ce positionnement ?
« Placer les habitants au cœur de la stratégie touristique ! Ils sont les premiers représentants et vecteurs de la richesse culturelle de leur territoire. »
Cuisine, traditions, langues, musiques, danses, artisanat, environnement : eux-seuls en sont les dépositaires. Ils sont au contact quotidien des touristes en tant qu’habitants ou prestataires de services.
Le patrimoine culturel ne s’arrête pas aux monuments. Les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les évènements festifs, le rapport à la nature et à l’univers, le savoir-faire inhérent à l’artisanat traditionnel : tout cela forme notre patrimoine.
Le modèle touristique ultramarin est très dépendant de l’Hexagone. Comment expliquez-vous cette tendance ?
Ces dernières années, 80% de la clientèle accueillie en Guadeloupe et à la Réunion proviennent de l’Hexagone – ce taux est de 66,3% en Martinique – alors que les destinations voisines reçoivent une clientèle internationale diversifiée.
Ces chiffres sont le reflet d’un manque d’attractivité internationale et d’un mauvais positionnement sur le plan régional. Au fil des décennies, Guadeloupe et Martinique ont constaté un déclin des clientèles internationales, en particulier nord-américaines.
« Comprenez : plus que d’un déficit de notoriété, les Outre-mer souffrent d’une image stéréotypée et vieillissante. »
Peu de territoires ont réussi à construire sur la durée une image de marque qui assure, sur le marché, une différentiation créatrice de valeur. La diversité de leurs offres n’est pas suffisamment visible.
Ce phénomène d’usure a accéléré la tendance, jusqu’à ce que le tourisme dépende essentiellement d’un seul marché émetteur : la France métropolitaine. Avec tous les dangers que cette situation recèle : ces clientèles fidèles vieillissent alors que les jeunes générations, moins attachées aux destinations francophones, sont plus ouvertes aux offres internationales.
Notons néanmoins les cas particuliers que sont la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre et Miquelon, qui attirent des voyageurs internationaux et consolident leur place en s’insérant dans leur contexte régional, en misant sur le marché japonais ou nord-américain.
Quelles perspectives à moyen terme ?
Les Outre-mer se sont positionnés comme territoires pilotes du déconfinement. Mais le secteur touristique est à l’arrêt, les inquiétudes sont fortes, évidemment. L’activité touristique ne reprendra pas avant fin 2020, et il faudra au moins deux années pour retrouver le niveau d’activité antérieur.
Nous devons rouvrir les frontières – les voyagistes sont prêts ! – et renforcer les campagnes de communication en direction des pays européens, mais aussi des États-Unis, du Canada, du Japon et de l’Amérique centrale et du sud.
« La consolidation de l’activité touristique passe par une insertion renforcée dans les bassins touristiques régionaux pour se positionner sur le marché des courts séjours de proximité. »
La Caraïbe est un champ d’opportunités et d’innovations pour les Antilles françaises ! Nos territoires doivent prendre leur place sur ce marché pour ne pas se laisser doubler par des destinations de la région beaucoup plus pragmatiques.
Nous sommes confrontés à de lourds taux de chômage, de nombreuses petites et moyennes entreprises sont en difficulté. Il est urgent d’agir.
Cette crise sanitaire doit nous permettre, à nous professionnels du tourisme, d’être force de proposition, tout en offrant des garanties sanitaires et sécuritaires.
C’est aussi l’occasion de s’inscrire dans une démarche plus durable, concertée, décisive. Car, ne l’oublions pas, de par leur situation géographique, les Outre-mer sont aux avant-postes des effets du réchauffement climatique. Mais ils possèdent tous les atouts pour mettre en place un nouveau logiciel, celui d’un développement touristique durable.
« Les Outre-mer disposent d’un patrimoine culturel matériel et immatériel d’une richesse exceptionnelle qui mérite d’être davantage promu. »