Le patrimoine antillais : mille et une histoires à valoriser et raconter
Patrimoine historique. Dans les centres villes, le long des rivières, enfouis sous la terre, les vestiges sont partout. Intemporels, ils se dressent, çà et là dans nos paysages. Ce patrimoine, tout le monde le connaît : les roches gravées, les moulins, les cases, les distilleries, les habitations… D’autres fois, le patrimoine est invisible, caché dans les sons, les saveurs ou dans des gestes répétés. Avez-vous pris le temps de réellement le découvrir ? De vous en imprégner ? Connaissez-vous nos histoires ? – Texte Joséphine Notte
Selon le site du Ministère de la culture, il existe plus de 100 monuments historiques classés en Guadeloupe, en Martinique et plus de 80 en Guyane.
À ce jour, seul un échantillon est réhabilité et valorisé. La liste d’attente des ruines et bâtiments délaissés est encore longue. Il en est de même pour nos traditions, le savoir-faire ancestral fait figure d’espèce menacée.
Alors, comment les citoyens peuvent-ils être des acteurs de la sauvegarde de leur patrimoine ?
Discussions avec Caroline Romney, guadeloupéenne passionnée qui conçoit le patrimoine antillo-guyanais comme le cœur qui fait battre nos territoires.
Identifier nos trésors locaux
Caroline Romney dirige depuis 20 ans un cabinet de conseil en développement touristique et territorial, membre de l’équipe projet qui a conçu « La route des rhums, de la canne et du sucre », guide de la Région Guadeloupe, elle s’est longtemps penchée sur la question de la valorisation de notre patrimoine :
« Avant même d’entreprendre la création de produits ou circuits touristiques à destination des visiteurs, c’est vers la population locale que l’on doit se tourner. C’est avec elle que l’on doit identifier les trésors locaux, les pratiques qui font du sens, les lieux à réhabiliter. »
« Nous avons encore actuellement une connaissance parcellaire de notre histoire, de ce qui compose notre identité. Par exemple, saviez-vous qu’en sud-Basse-Terre, il y avait plus de cinquante habitations actives et que chacune avait des dynamiques de fonctionnement différentes ? Que les Jésuites de Gourbeyre produisaient leur propre rhum ? Que de nombreux corsaires étaient noirs ? »
« Il y a tout un travail de transmission à mettre en place, entre les sociologues, les historiens et les « sachants », ces femmes et hommes qui font notre territoire. »
« L’ensemble de ces connaissances doivent être partagées, numérisées et vulgarisées pour être accessible à tous. Afin que chaque guadeloupéen, martiniquais, guyanais ait l’envie de renouer avec ses racines grâce à une meilleure compréhension de son héritage culturel. »
« Par exemple, la culture de la canne et la production de rhum, ce ne sont pas que des simples productions agricoles. Ce sont des siècles de savoir-faire, d’histoire, de légendes, d’influences architecturales, de recettes, d’art… C’est notre héritage, celui qui nous fait rayonner aujourd’hui à l’international ! Nous sommes encore trop peu nombreux à en avoir conscience. »
Réhabiliter le patrimoine bâti
« L’ensemble de nos anciens sites historiques encore à l’abandon sont comme un gisement de pierres précieuses inexploitées », explique Caroline. « La réhabilitation de ces lieux doit être notre cheval de bataille. »
« L’ensemble des usines, distilleries et habitations qui a déjà entamé cette démarche, l’Habitation Clément, le Château Depaz en Martinique ou l’Habitation La Grivelière et l’Habitation du Comté en Guadeloupe sont des fiers exemples qu’il faut perpétuer. Ils témoignent du potentiel qu’ont nos sites historiques à créer des expériences touristiques de niche. »
« Par ce mélange qui allie le raffiné, l’architecture, les savoir-faire ancestraux mais aussi la souffrance et les histoires humaines, nos habitations propulsent le visiteur dans une immersion sensorielle riche et unique. »
Elle conclut :
« Dans ces lieux, on se sent hors du temps, comme dans un autre monde, les bâtiments pulsent une énergie forte, lourde des évènements du passé. C’est un pèlerinage sur les traces de nos ancêtres que je recommande à tous ».
Au détour de nos ruelles usées, à la recherche des ruines dans les champs, prenez le temps. Le temps de vous arrêter et d’observer un instant. Toutes nos histoires sont là, prêtes à être racontées.