Octroi de mer cet outil pivot de la valeur ajoutée locale

L’attention soutenue et régulière qui est portée à l’octroi de mer échoue souvent à poser sereinement les termes de la discussion. Dans une tribune, Didier Payen, 1er vice président des MPI, pose les contours réels et opérationnels de la question de l’essor de la production locale et du bien-fondé d’une taxe intelligente.

Didier Payen, 1er vice président des MPI - Credit Photo Lou Denim
Didier Payen

Production locale, octroi de mer, TVA et vie chère font régulièrement leur réapparition dans le débat public, le plus souvent amalgamés au détriment d’une juste analyse et d’une parfaite compréhension. Une « juste analyse » est celle qui obéit à une règle d’objectivité sur les terrains de la logique économique, de la création d’emplois et du développement territorial. Réaffirmons donc que l’action consistant à produire localement des biens qui seront d’abord destinés à la satisfaction de la demande locale, ou qui trouveront des opportunités pour être exportés, devrait constituer un projet permanent et un facteur de fierté pour tous les guadeloupéens.

La démarche de l’industriel, qui consiste à investir pour implanter un équipement de production sur le territoire, créer des emplois qualifiés et durables, créer de la valeur ajoutée sur place, et satisfaire directement aux besoins des consommateurs locaux en leur proposant des produits plus frais et dont le coût carbone est largement inférieur à celui d’un équivalent importé, est donc une ambition noble, en plus d’une contribution capitale à l’activité économique et sociale du territoire.

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Les idées reçues autour de l’octroi de mer

Cependant, lorsqu’il s’est agi en 2023 de rechercher des solutions au problème de la vie chère en outre-mer, l’idée de réformer l’octroi de mer a été relancée comme ce fut régulièrement le cas depuis une trentaine d’années, jusqu’à devenir une priorité gouvernementale et l’objet de divers rapports, pour aboutir à un calendrier de mise en application dès le Projet de loi de finances pour 2025 avec une finalisation d’ici 2027. Dans la presse et dans l’opinion publique, l’octroi de mer a été l’objet de diverses attaques au point que ses nombreuses vertus ont été passées sous silence et mises sous le boisseau. Son caractère protecteur vis-à-vis des productions locales s’est trouvé dilué derrière certaines idées reçues, de même que la part importante que représente son produit dans le financement des collectivités.

« Un vieil impôt est un bon impôt »

Volontairement assortie du qualificatif ultra-péjoratif de coloniale, et au mépris de l’adage bien connu en matière fiscale voulant qu’un « vieil impôt est un bon impôt », la taxe d’octroi de mer a dès lors été présentée comme contribuant à la vie chère. Ce regard quelque peu biaisé a également masqué plusieurs de ses aspects qui sont extrêmement positifs, tels que la base juridique solide que lui confère le Conseil de l’Europe, les dernières décisions émises à son sujet par le Conseil d’État, ou le fait qu’elle permet de financer les services publics pour les administrés (citoyens et entreprises) que nous sommes tous.

Ce qu’il faut marteler, c’est que l’octroi de mer est et doit demeurer l’élément vital qu’il constitue pour les productions industrielles locales. Les professionnels regroupés au sein des MPI ont proposé, en toute objectivité, diverses options qui consisteraient plutôt à améliorer son fonctionnement en lui appliquant un fonctionnement type TVA afin que les marges commerciales ne s’appliquent pas à l’octroi de mer. Nos autres propositions ont porté sur une réforme des modalités de fonctionnement de la TVA (modèle de Mayotte et de la Guyane : exonération sur tous les biens et les services), voire de cibler cette exonération sur une liste de produits de première nécessité comme le permet l’article 295 du code général des impôts.

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L’octroi de mer, une valeur ajoutée créée sur le territoire

Le système économique guadeloupéen semble difficilement concevable sans le maillage industriel qui alimente une part non négligeable de son PIB, et bien qu’il soit relativement rare de considérer les choses sous cet angle, il faut souligner que le volume des salaires versés dans le secteur (plus de 350 millions d’euros), permettent aussi de doper la consommation locale à partir d’une valeur ajoutée qui est créée sur le territoire, ce qui confirme tout l’intérêt du secteur productif et qui justifie que tant de territoires et tant de pays, y compris la France, concentrent leurs efforts sur des objectifs de réindustrialisation.

Notre credo est que l’amélioration du pouvoir d’achat devrait découler d’une élévation des niveaux de revenus par la création de valeur ajoutée locale, et non pas d’une baisse suicidaire des prix au travers des importations.