Nuriyo, des pâtes aux saveurs tropicales
Les pâtes. Ce plat de base que tout le monde connaît pourrait bientôt prendre des saveurs tropicales. Depuis plusieurs années, Nuriyo s’attache à développer des pâtes à base de produits locaux tropicaux.
Les pâtes. Ce plat de base que tout le monde connaît pourrait bientôt prendre des saveurs tropicales. Depuis plusieurs années, Nuriyo s’attache à développer des pâtes à base de produits locaux tropicaux.
Par Amandine Ascensio – Photos Cédrick-Isham Calvados
En ce matin d’avril 2024, au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) de Guadeloupe, les fondateurs de Nuriyo, une marque de pâtes alimentaires réalisées avec des racines des pays tropicaux, font des tests à base d’ignamesà chair noire. « On dirait du chocolat. » Émilie Galbas sectionne la tige de pâte noire qui sort de la machine, sous l’œil averti de son acolyte Terence Pierrot. Les petits morceaux ressemblent à s’y méprendre à des macaronis. « Un jour, raconte Terence, je me suis demandé comment on pouvait solutionner l’insécurité alimentaire, avec à la fois des denrées qui ne subissent pas trop de transformations, de manière éthique et locale, et à des tarifs adaptés aux contextes des pays tropicaux, où le pouvoir d’achat est relativement faible. »
La solution est venue en ouvrant les placards : des pâtes. « Tout le monde mange des pâtes », renchérit Émilie, en mettant une casserole d’eau à bouillir pour tester la cuisson des pâtes fraîchement modelées, lesquelles fondront immédiatement, à peine immergées dans l’eau. « Il faudrait sécher la pâte un peu plus avant », constatent les deux entrepreneurs qui travaillent d’arrache-pied depuis 2019. Émilie a longtemps œuvré dans un restaurant qui fabriquait d’ailleurs ses propres pâtes. « C’était assez simple d’en faire. Mais on n’aurait jamais imaginé la quantité de recherche et développement qu’il nous faudrait déployer pour arriver à nos propres produits. »
Une levée de fonds pour monter deux usines
Car l’idée, c’est bien sûr de se passer de farine de blé, ingrédient phare d’un spaghetti, d’une lasagne ou autre pasta qu’on mange à tous les repas, et qui ne pousse pas en milieu tropical. « Sauf que les propriétés organoleptiques de nos racines, on ne les connaît pas ou très mal », assurent les deux entrepreneurs qui, dès les premiers tests, ont compris que l’affaire ne serait pas si simple. Ils ont tout de même lancé la machine avec de nombreux ingrédients : du manioc, des ignames, des bananes, de la patate douce, des tubercules et légumes cultivés et consommés dans la Caraïbe, mais également sur le continent africain. L’aventure commence en 2019 et les emmène au Togo, à Lyon, en Guadeloupe et en Côte d’Ivoire. Ils testent tous azimuts la pâte à pâtes, la cuisson, le goût, la texture. Ils se forment aussi en Italie, pour apprendre les techniques des maîtres-pastiers italiens, lèvent des fonds, des subventions, d’abord venues des services de l’État, de la Région Guadeloupe ou des grands programmes d’investissement nationaux, et sont désormais en cours de levée de fonds pour monter deux usines. L’une sortira de terre, fin 2024, en Guadeloupe ; l’autre, plus tard, plus grande, aux alentours d’Abidjan. « C’est important qu’il y ait une usine par marché », assure Terence.
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Un marché guadeloupéen, antillais, voire caribéen. Un autre africain, et enfin un dernier, peut-être un peu moins intuitif, le marché nord-américain. Avec chacun sa spécificité marketing et nutritionnelle. Car si « les distributeurs sont prêts et nous attendent », il faudra, peut-être, convertir les consommateurs, habitués au blé, à de nouveaux goûts. Pour la région Caraïbe, constituée d’îles très dépendantes à l’importation, notamment de denrées alimentaires, l’argument de vente jouera sur la fibre du localisme. Des produits locaux, la réduction aux importations, l’envol de filières locales, etc. Pour l’Afrique, « il y a une vraie question autour de la nutrition et des propriétés nutritionnelles des produits », rappelle Émilie. Les pâtes proposées seront donc enrichies en protéines végétales, des pois principalement. Et enfin, aux États-Unis comme au Canada, qui sont aussi des grands consommateurs de tubercules, l’argument est tout trouvé : l’aspect santé et sans gluten des produits Nuriyo devrait assurer les ventes d’un produit qui cale son prix sur ceux des pâtes sans gluten qu’on peut trouver en épicerie. « On est entre 3 et 4 euros le paquet de 250 grammes. » La concurrence ? Même pas peur, ironisent les deux fondateurs de l’entreprise. « Il y a de la place pour d’autres, vraiment, puisque tout le monde mange des pâtes », martèlent- ils. Et puis, surtout, ils ont d’autres projets en besace, avec d’autres produits de grande consommation, comme les pains de mie ou bien les buns à burger, qu’ils pourraient fournir déjà cuits ou sous forme de pâte à cuire.
Retrouvez cet article dans le hors-série Outre-mer Innovation.