Nadia Chonville, un grand voyage initiatique

Nadia Chonville, l’autrice féministe martinico-guadeloupéenne est mue par un optimisme inconditionnel qui la pousse à continuellement explorer. Portrait en 5 moments clés.

« Je suis sur un lit, autour duquel j’ai construit mon espace de travail et de création, chez ma grand-mère. J’ai toujours aimé m’étaler sur un lit pour travailler ! » Nadia Chonville © Jean-Albert Coopmann
Axelle Dorville

Nadia Chonville, l’autrice féministe martinico-guadeloupéenne est mue par un optimisme inconditionnel qui la pousse à continuellement explorer. Portrait en 5 moments clés.

1. La lecture du soir

Petite, Nadia Chonville considérait les livres comme des objets magiques, lorsque sa mère lui lisait des histoires 2 le soir. Déjà, l’autrice d’aujourd’hui souhaitait elle aussi maîtriser l’art du livre, pour offrir ses propres histoires à sa mère, des récits à son image de petite fille caribéenne.

À l’adolescence, la lecture de Confidentiel de Nicole Cage- Florentiny, ainsi que de Un papillon dans la cité de Gisèle Pineau sont un électrochoc et l’encouragent à tenter elle aussi de raconter nos histoires. Ce sera chose faite avec la saga Rose de Wégastrie, roman publié au lycée, qui sous couvert d’aventures cosmiques raconte les questions particulièrement caribéennes de l’exil et de l’identité.

2. L’élection des mini-reines

Encouragée par les animatrices du foyer rural de Morne Pitault et par ses parents, Nadia se présente comme mini-reine du carnaval, elle, la bonne élève à lunettes qui vit dans ses livres. Elle apprend alors à performer des attitudes, faire porter sa voix et par là-même, acquiert une plus grande confiance en elle.

Première dauphine, elle persévère et gagne le concours l’année suivante. Aujourd’hui, l’expression corporelle demeure essentielle au maintien de son équilibre, que ce soit par le dancehall qui lui a permis de se réapproprier son corps face au patriarcat, ou le danmyé, dans lequel elle puise une puissance inconditionnelle.

3. Le conseil d’administration sexiste

Libre depuis toujours de défendre ses idées à la table familiale, Nadia milite au collège de La Jetée au François pour le port de pantalons pour les collégiennes au même titre que les collégiens. Le harcèlement scolaire qu’elle affronte par ailleurs ne lui fait pas perdre son énergie. Confrontée au refus du conseil d’administration au prétexte que les pantalons découvriraient les strings des adolescentes, elle prend conscience des discriminations absurdes dont les femmes font l’objet. La répétition d’injustices sexistes et de féminicides commis à la même période en Martinique l’entraîneront vers des lectures féministes qui forgeront son engagement pour la défense des droits des femmes.

4. Le master au Mexique

Son parcours est un grand voyage initiatique, jalonné d’expériences formatrices : l’ébullition intellectuelle en prépa hypokhâgne ; à Sciences Po Grenoble, un master de recherche Amérique latine ; au Mexique, où elle étudie les discriminations sexistes et sexuelles dans un état conservateur ; de retour en Martinique, un doctorat, sur les interactions entre le sexisme et l’homophobie en milieu scolaire en Martinique. Puis l’enseignement et l’aventure électorale, à l’invitation de Béatrice Bellay. Plus récemment, le lancement du podcast Pssit! pour porter la voix des acteurs caribéens participant à la réflexion sur le genre, le sexisme et les discriminations. Et toujours en arrière- plan, son premier amour : la direction de projets culturels.

5. Le succès de son dernier roman

Et pourtant, Nadia doute de sa légitimité. En 2023, la publication de Mon cœur bat vite aux éditions Mémoire des encriers marque un tournant, son succès la rassure et lui permet, enfin, d’en finir avec l’inquiétude de ne pas être à la hauteur. A 33 ans, la peur et les barrières mentales tombent, et avec, le sentiment d’être une usurpatrice, la jeune femme ou la femme noire de service. Nadia Chonville n’a plus peur de rien.


Retrouvez cet article dans le hors-série Portraits Martinique n°2, édition 2024.