Marque employeur : gadget marketing ou stratégie payante ?

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Sarah Balay

Face aux difficultés de recrutement, développer une marque employeur solide, incarnant une identité distinctive et positive, est en passe de devenir une nécessité pour les entreprises de toute taille.  

Texte Sarah Balay 

Qu’est-ce que la marque employeur ?

C’est à la fin des années 1990, aux États-Unis, que le concept de marque employeur (Employer Brand) est né (1). Elle correspond à l’image que véhicule une entreprise, en interne auprès de ses salariés et en externe auprès des candidats potentiels, elle peut aussi s’adresser plus largement aux clients, aux fournisseurs, aux investisseurs, aux prestataires, aux institutions… En bref, le terme englobe l’ensemble des actions de marketing et de communication susceptibles de valoriser l’entreprise, mais aussi les actions capable de motiver et fidéliser les collaborateurs déjà en poste. Sous le jargon de “marque employeur”, on parle donc tout à la fois de l’image d’une entreprise, de son identité, sa réputation, sa culture d’entreprise, ses valeurs, ses avantages, ses opportunités de carrière, etc. Pour cela, les outils sont variés : publier sur les réseaux sociaux, animer un blog pour partager la culture et les succès de l’entreprise ; impliquer les salariés dans les activités de l’entreprise et les encourager à partager leurs expériences ; collaborer avec des organisations et à des événements alignés avec les valeurs de l’entreprise etc. 

En France, la marque employeur gagne en popularité entre 2010 et 2012, mais c’est tout récemment qu’elle prend un nouvel essor. « Cette prise de conscience coïncide avec les difficultés de recrutement, avance Anne Esther Cavalini, responsable opérationnelle de l’association pour l’emploi des cadres (Apec Guadeloupe). C’est une notion que les employeurs se sont appropriés pour se démarquer, attirer et retenir des talents. Cette problématique concerne absolument toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Aujourd’hui, plus une entreprise aura une marque employeur forte, plus elle pourra attirer à elle des candidatures de qualité et sera en mesure de les fidéliser ».

Soigner les profils de dirigeants et de salariés

Sur le terrain comment ça se passe ? Aux Antilles-Guyane, de plus en plus d’entreprises s’intéressent à la marque employeur et cherchent à s’organiser. Quelques grands groupes (Barbotteau, Orange, Hayot, SARA etc.) ont déjà pris le train en marche, soit principalement en matière de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), soit en développant une véritable stratégie marketing RH pour décupler leur attractivité et améliorer leur image (communication sur les réseaux, actions de mécénat, partenariats, engagements environnementaux, mesures d’améliorations des conditions de travail, etc.). Au-delà de ces grands groupes, « nous en sommes aux balbutiements », poursuit la responsable de l’APEC, qui organise régulièrement des ateliers en Guadeloupe, Martinique et Guyane, afin de sensibiliser un maximum les employeurs locaux. « Chez nous, le marché est essentiellement composé de TPE-PME (très petites, petites et moyennes entreprises) qui disposent de peu de personnel, de moyens financiers limités et d’un manque de temps. La marque employeur peut donc ne pas être une priorité ».

Et pourtant, elles auraient tout à y gagner. Car l’un des atouts de la marque employeur, est son incroyable adaptabilité. Des solutions simples et peu coûteuses existent, comme le rappelle France Travail sur son site internet. L’organisme encourage les employeurs à commencer par
« soigner les profils des dirigeants et des salariés sur les réseaux professionnels comme LinkedIn et Viadéo pour attirer de nouveaux talents et valoriser le savoir-faire de ses salariés auprès de ses clients ». Tout le monde peut le faire. 

marque employeur

Le coût élevé de l’inaction 
D’après une étude de LinkedIn (Winning Talents 2015), une entreprise qui ne développe pas une marque employeur solide risque de voir ses dépenses de recrutement augmenter de 5 %. De plus, les entreprises négligeant leur réputation pourraient devoir verser jusqu’à 3 500 euros de salaire supplémentaire par employé et par an, par rapport à celles bénéficiant d’une bonne réputation. Pour une entreprise comptant 10 000 employés, cela représenterait une facture annuelle moyenne de 5 millions d’euros.

Une bonne marque employeur pour favoriser le retour au pays ? 

« Les employeurs doivent comprendre et accepter le basculement qui s’est opéré en matière de recrutement », souligne Valérie Séguin, directrice régionale d’AKTO Guadeloupe, Guyane et Iles du Nord. Cet opérateur de compétences (OPCO) participe également aux ateliers de sensibilisation proposés aux employeurs locaux, notamment ceux des secteurs en tension.
« Les nouvelles générations, surtout depuis le covid, ne recherchent plus forcément la sécurité de l’emploi avec un CDI. Ils sont plus exigeants, veulent pouvoir allier vie professionnelle et vie privée, avoir des projections de carrière et bénéficier de montée en compétence. Ils sont davantage intéressés par la flexibilité, par des conditions de travail intéressantes (télétravail, avantages sociaux, salaires corrects, avantages en nature…), et par des valeurs et des engagements qu’ils partagent »

« La promesse employeur s’incarne dès le début du recrutement, renchérit Anne-Esther Cavalini. Lorsqu’il existe un écart important entre la réalité du poste et ce qui a été indiqué, il y a des probabilités que le candidat ne reste pas dans l’entreprise, parfois, avant la fin de sa première année ». L’enjeu est de taille, car si nombre d’Antillo-Guyanais sont à la recherche d’informations et d’opportunités professionnelles qui répondent à leurs attentes, alors le développement de la marque employeur au sein des entreprises locales pourrait donc jouer un fort impact sur la dynamique du retour au pays. Mais attention toutefois à vouloir trop en faire ou à survendre son image pour attirer les candidats. Baptisée Great washing (2), cette tendance existe et peut être dévastatrice en termes d’image. L’employeur a tout intérêt à être honnête et transparent et surtout à respecter ses engagements s’il veut attirer et garder ses équipes… La marque employeur émerge donc comme le miroir de la culture et de la réputation d’une entreprise. Catalyseur essentiel pour attirer, retenir et motiver les talents, elle gagne à être davantage connue et développée localement, par toute entreprise. 

(1) Tim Ambler, professeur marketing à la London Business School s’associe à Simon Barrow pour écrire The journal of brand management dans lequel est abordé le concept de « employer brand ». 

(2) Great washing : consiste  à communiquer publiquement sur des mesures de qualité de vie au travail sans pour autant les mettre en pratique. 

Crise du recrutement :
pourquoi ça coince ?  
Plus de la moitié des entreprises françaises (52 %) déclarent rencontrer des difficultés de recrutement en mars 2023 selon l’enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France, soit une hausse de 11 points par rapport à mai 2021. Les secteurs les plus touchés étant : le transport, la construction, les activités scientifiques et techniques, la fabrication de matériel de transports et l’hébergement/restauration. Les raisons de la crise du recrutement actuelle en France sont multiples, voici les cinq arguments les plus couramment avancés : 
les conditions de travail et les salaires ne donnent pas envie
les Français ne sont pas assez mobiles
la demande et l’offre de travail ne se coïncident pas 
les jeunes générations ont davantage d’exigences et un rapport différent au travail. 
le système social français n’incite pas au retour à l’emploi.

Le pouvoir de la RSE
Au fil des ans et des lois, la démarche RSE (responsabilité sociétale et environnementale) est devenue une obligation légale pour les grandes entreprises. Celles de plus de
5 000 salariés ou 10 000 à l’échelle internationale sont tenues de mettre en œuvre un plan de vigilance pour identifier et prévenir les risques sociaux et environnementaux liés à leurs activités. La Loi Grenelle II oblige, depuis plus d’une dizaine d’années, les entreprises cotées en Bourse et les sociétés anonymes de plus de 500 salariés à publier un rapport annuel sur leur performance environnementale et sociale (émission de gaz à effet de serre, gestion des déchets, etc.). Les obligations sont moins contraignantes pour les PME (petites et moyennes entreprises) et les ETI (entreprises de taille intermédiaire), qui sont simplement encouragées à adopter des pratiques responsables (audit énergétique, plan de mobilité…). L’intérêt de construire une politique RSE adaptée et à son échelle, est un atout indéniable pour toute structure. En reflétant l’engagement de l’entreprise à adopter une démarche éthique, respectueuse de l’environnement et de l’humain, la RSE est intrinsèquement liée à la marque employeur, elle renforce l’image de l’entreprise et lui permet d’attirer des talents qui partagent ces mêmes valeurs.