Logipren, la prise en charge des nouveau-nés révolutionnée
Grâce à un logiciel protéiforme, la start-up offre aux équipes hospitalières une prescription adaptée à la prise en charge des bébés en néonatologie. L’outil permet de passer de 16 % d’erreurs médicamenteuses à 0. L’entreprise, présidée par Béatrice Gouyon, sauve des vies.
Grâce à un logiciel protéiforme, la start-up offre aux équipes hospitalières une prescription adaptée à la prise en charge des bébés en néonatologie. L’outil permet de passer de 16 % d’erreurs médicamenteuses à 0. L’entreprise, présidée par Béatrice Gouyon, sauve des vies.
Par Lola Fourmy – Photo Ophélie Vinot / Hans Lucas
On en a rêvé, vous l’avez fait. » Voilà ce que disent les médecins qui utilisent Logipren. Ce logiciel d’aide à la prescription médicale a changé la vie des équipes hospitalières de néonatologie et, surtout, de leurs patients. Derrière cette idée brillante, Béatrice Gouyon, pédiatre spécialisée dans la réanimation en néonatologie, et son mari, Jean-Bernard Gouyon, professeur en réanimation néonatale. Leurs recherches sur les erreurs médicamenteuses sur les prématurés débutent en 2005, à Dijon. Leur constat est alarmant : 16 % des nouveau-nés hospitalisés en réanimation sont concernés par une erreur médicamenteuse. « Cela représente une prescription sur six, c’est énorme », explique la fondatrice de la start-up. Les causes de ces erreurs sont multifactorielles. Certains médicaments utilisés ne disposent pas d’autorisation de mise sur le marché en raison, notamment, de la difficulté à réaliser des tests pharmaceutiques sur ce public spécifique. Béatrice Gouyon détaille : « Pour sauver ces nouveau-nés, on est obligé de les utiliser quand même. Le problème, c’est qu’on ne sait pas à quelle dose. » La prescription médicale et ses conditions d’administration font alors l’objet de nombreux calculs réalisés par les médecins et les infirmières, le tout dans l’environnement tendu de la réanimation. Un procédé qui induit un risque d’erreur important. C’est là que Logipren intervient. Grâce à une immense base de données — thesaurus et protocoles validés — constituée de toutes les informations disponibles, mise à jour constamment, le logiciel calcule et propose une prescription adaptée à chaque petit patient. Mieux encore, il recommande une administration qui prend en compte la nutrition. « Chez un prématuré, c’est 50 % de son avenir. S’il ne grossit pas, ça ne sert à rien de lui administrer des médicaments », précise la spécialiste. Grâce à ce logiciel, la prescription est alors sécurisée. Et ça marche ! « Les établissements équipés sont passés de 16 % d’erreurs à plus aucune. » Aujourd’hui, en France, 85 % des services de réanimation en néonatologie ont souscrit chez Logipren et « aucun ne s’est désabonné », ajoute-t-elle.
Quand j’entre dans un hôpital, j’ai toujours un pincement au cœur.
Une success-story familiale
« On a rapidement compris qu’il faudrait un logiciel pour résoudre ce problème d’erreurs médicamenteuses, mais on n’a jamais pensé qu’on irait jusqu’à le créer », raconte sa fondatrice en riant. Car le couple se heurte au refus des éditeurs de se lancer dans ce marché « de niche ». Persuadés du bien-fondé de leur création, ils persistent et trouvent des subventions puis, en 2011, s’installent à La Réunion. C’est ici, au CHU de Saint-Pierre, que Logipren sera installé pour la première fois en 2014. Grâce à une subvention FEDER, l’entreprise développe alors gratuitement son logiciel dans quinze hôpitaux de France. En 2016, les subventions s’arrêtent, laissant Béatrice Gouyon face à un dilemme : rester médecin à l’hôpital et entraîner la disparition de Logipren ou se lancer dans l’entrepreneuriat. Elle choisit finalement la deuxième option. « Quand j’entre dans un hôpital, j’ai toujours un pincement au cœur. Ses bruits, sa lumière, ses patients me manquent. Mais je sauve plus de vies ici qu’en une vie entière à l’hôpital », se réjouit-elle. Calme et précise, Béatrice se félicite aussi d’avoir créé une quarantaine d’emplois. « Quand je pense que des familles vivent grâce aux salaires engendrés par notre idée… Quelle fierté ! Avoir une équipe formidable, avec les mêmes valeurs que moi, ça me nourrit. » Ce qu’elle n’apprécie guère, en revanche, c’est ce rôle de cheffe qui entraîne une hiérarchie dans les relations. « Même si on fait les fêtes Logipren dans mon jardin, ça n’enlève pas le biais et comme j’ai un caractère empathique, je le ressens », confie-t-elle. Car Béatrice Gouyon aime “faire famille”. C’est d’ailleurs son frère entrepreneur et désormais directeur général de Logipren qui la coache depuis le début.
En 2019, Logipren a réussi un exploit : une levée de fonds en sur-souscription. « On demandait 1,5 million, on a eu 3 millions d’euros. On a refusé et on est resté à notre objectif, mais ça m’a permis de faire le choix de mes actionnaires : uniquement des business angels. » Car la confiance est essentielle, l’ex-pédiatre l’a appris à ses dépens en débutant avec la mauvaise associée. « Je conseille de s’entourer d’un avocat quand on se lance. » Pas de quoi la décourager, aujourd’hui, Logipren a une filiale en Espagne, se développe en Allemagne et en Angleterre et les demandes affluent désormais d’autres services comme l’oncologie ou les urgences. « Je n’aurais jamais imaginé tout ça », s’étonne, modeste, l’entrepreneuse.
Retrouvez cet article dans le hors-série Outre-mer Innovation.