Le Medef revient sur la période de crise en Martinique
Les entreprises locales ont payé un lourd tribut durant les premières semaines de cette crise contre la vie chère. Le préjudice matériel s’élèverait pour l’instant à plus de 58 millions d’euros. Pour le MEDEF Martinique, l’économie de la Martinique sera durablement affectée.
Quel est votre sentiment à l’heure de cette crise sociale qui impacte les entreprises martiniquaises ?
Catherine Rodap, présidente du MEDEF Martinique :
Notre économie repose sur des fondations précieuses : le savoir-faire, le savoir-être et la richesse culturelle de la Martinique. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une véritable mise en péril de cet équilibre, avec une perte de confiance. Avec plus de 170 entreprises directement touchées et 1 500 emplois menacés, c’est l’avenir de familles entières qui se voit fragilisé.
Je ressens une profonde inquiétude, mais aussi une conviction inébranlable en notre capacité collective à reconstruire et à se relever. Nos entreprises, nos artisans, nos entrepreneurs font également la richesse de notre territoire et incarnent un savoir-être unique.
Aujourd’hui, nous devons plus que jamais nous unir pour protéger notre économie et transmettre un message d’espoir à tous les acteurs qui font vivre notre Martinique et participent à son attractivité.
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Qu’avez-vous envie de dire aux chefs d’entreprises et à ces salariés en ce moment difficile ?
Je veux adresser un message d’espoir et de soutien à chacun d’eux. Malgré le découragement compréhensible, je les invite à croire en eux et en l’avenir de notre territoire. La Martinique a besoin de chacun d’entre vous, de votre force, de votre vision.
Le MEDEF Martinique, fidèle à ses valeurs de solidarité et de soutien entrepreneurial, reste aux côtés de toutes les entreprises, adhérentes ou non, car petites ou grandes, elles sont le cœur battant de notre territoire.
Comment se porte le moral des chefs d’entreprises ?
Nos chefs d’entreprises font preuve d’un courage admirable. Ce moral d’acier, cette résilience inébranlable caractérisent les entrepreneurs de la Martinique. Cependant, nous savons que les démarches de soutien, comme l’activité partielle, ne se font pas automatiquement et nécessitent des efforts administratifs et financiers importants pour les employeurs, souvent en amont des aides. Il est donc essentiel que nous, en tant qu’organisation patronale, restions présents pour les soutenir et renforcer leur espoir.
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Comment s’organise la solidarité envers les entreprises ?
Le MEDEF Martinique travaille en étroite collaboration avec des partenaires financiers et institutionnels pour apporter un soutien concret. Des discussions avec les banques, les assureurs et les institutions publiques sont en cours, et nous faisons tout pour que les entreprises puissent surmonter cette période difficile. Car, en tant qu’entrepreneurs, nous savons qu’attendre n’est pas une option ; il est de notre devoir d’agir.
Nous faisons également le vœu que les assureurs ne résilient pas les contrats d’assurance liés aux bâtis, et n’envisagent pas des clauses d’exonération de garantie en cas d’émeutes.
Quelles sont les solutions ?
Face aux défis imposés, le MEDEF Martinique s’engage activement auprès de chaque entreprise impactée. Récemment, plus de 50 entreprises nous ont rejoints pour une réunion aux côtés de la DEETS (Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), qui a rappelé de manière pédagogique les critères d’éligibilité à l’activité partielle. Nous avons également sollicité la CGSS (Caisse générale de sécurité sociale) pour obtenir un moratoire sur les dettes contractées durant cette période, un geste indispensable pour alléger la charge qui pèse sur les entreprises.
En concertation avec BNP Paribas Antilles-Guyane, nous avons abordé des recommandations concrètes pour renforcer l’accompagnement bancaire des entreprises, en rappelant l’importance de consulter son conseiller financier afin d’explorer toutes les mesures d’aide disponibles. Les assureurs, de leur côté, ont étendu les délais de déclaration des sinistres de 5 à 30 jours, et se sont engagés à accélérer l’instruction des demandes d’indemnisation pour apporter un soutien rapide et efficace. Néanmoins, nous restons très inquiets face aux massives résiliations des polices d’assurance contenant la garantie émeutes/mouvements, avec effet à compter du 1er janvier 2025. Certes, nous ne pouvons prédire les décisions au niveau national, mais en tant que chefs d’entreprise, nous ne restons jamais dans l’attente. Nous savons agir avec pragmatisme et détermination.
Craignez-vous que le tissu économique porte de trop lourds séquelles ?
Je souhaite que la valeur travail retrouve toute sa place et son respect sur notre territoire. Il est inconcevable que des jeunes entrepreneurs, comme ce commerçant de Saint-Pierre et ce jeune pharmacien du Carbet, voient leurs efforts anéantis. Ils venaient d’investir financièrement lourdement pour mettre aux normes et ouvrir leurs entreprises : le commerce a été vandalisé et la pharmacie incendiée ! La perte matérielle est colossale ! Le traumatisme est important !
Au MEDEF, nous continuerons de défendre la valeur travail, essentielle au développement et à la dignité de notre territoire.
L’État doit-il être un acteur dans cette crise ?
Le MEDEF Martinique attend un soutien fort de l’État pour rétablir le calme et l’ordre nécessaires indispensables à la reprise. Ce soutien est essentiel pour redonner confiance à nos entreprises, à nos investisseurs et à l’ensemble de la Martinique. C’est dans cette collaboration entre acteurs publics et privés que la Martinique pourra retrouver sa stabilité.
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