Le 1er “SAMU psychiatrique” de France est en Martinique

Sylvia D. CDS, Muriel S-L. IDE, Sarah B. IDE, Dominique D. AS, Yann C. AS, Sonny F. AS © Jean-Albert Coopmann
Mathieu Rached

Créé le 1er février 2024 grâce à un financement de l’ARS Martinique, le dispositif SAS-EPIC est un outil précieux, salué par les professionnels de santé, les acteurs publics, les patients et les familles. Reconduit en 2025, il pourrait même servir de modèle ailleurs en France.

« Une personne jeune, bipolaire, en arrêt de traitement depuis six mois. » Il est 15h, Samantha donne le contexte et le top départ à ses collègues pour une intervention en centre-ville. Samantha a 22 ans, elle est infirmière et fait partie de la première unité mobile de soins psychiatriques d’urgence créée en France.

Nous ne sommes pas à Paris ou Toulouse mais au Lamentin, au Centre Hospitalier Maurice Despinoy (CHMD), où, depuis un an, une équipe de professionnels de santé a été créée et formée pour intervenir en cas d’urgences psychiatriques partout en Martinique.

« Il s’agit de personnes qui décompensent, deviennent très agitées et potentiellement agressives, et l’équipe EPIC (équipe mobile psychiatrique d’intervention et de crise) a pour mission de désamorcer la situation et permettre une prise en charge adaptée », explique le Dr Sandra Flaquet, psychiatre, chef de Pôle intersectoriel du CHMD et à l’origine du dispositif SAS-EPIC.

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Chacun son rôle

Avant cela, de telles situations de crise étaient jusque-là prises en charge par les services d’urgences, la police ou les pompiers. Mais, sans formation adéquate, face à des patients souffrant de maladies psychiatriques, « les policiers ne savaient pas comment intervenir, les pompiers ne savaient pas comment transporter », explique la cadre de santé du SAS-EPIC.

Aussi, une fois le projet mis sur la table et le financement de l’ARS Martinique acquis, une convention était signée le 29 janvier 2024 entre la préfecture et ses services régaliens (police, gendarmerie, STIS*), l’ARS, le CHUM** (SAMU) et le CHMD, pour impliquer et coordonner chaque métier et chaque expertise. « C’est la première fois qu’une convention réunit tous ces acteurs », souligne le Dr Flaquet. « Chacun a ajusté son rôle et continue de le faire en fonction des interventions ».

Le dispositif participe de l’ADN même du CHMD, précise son directeur, Stéphane Berniac. « Il s’inscrit dans une prise en charge moderne en psychiatrie, au plus près du territoire martiniquais, avec une réelle volonté d’aller vers les patients, y compris dans la crise. Cette équipe est à l’avant-garde et permet de raccrocher les usagers à l’offre de soins de psychiatrie en ambulatoire ou en hospitalisation complète. »

« Le dispositif s’inscrit dans une prise en charge moderne en psychiatrie, au plus près du territoire martiniquais, avec une réelle volonté d’aller vers les patients, y compris dans la crise. »

Stéphane Berniac, directeur du CHMD

« Tout peut arriver »

Tout démarre par un appel au 15 qui le transmet aux téléopérateurs SAS (service d’accès aux soins), spécialisés dans le « triage » des urgences psychiatriques. L’équipe EPIC, composée d’infirmiers et de médiateurs en soins relationnels, part ensuite en première ligne, épaulée par la police dans les contextes dangereux, lorsque le patient est instable et qu’il manipule un coutelas par exemple. S’adapter à l’imprévu fait partie du quotidien de l’EPIC, car sur place « tout peut arriver », décrit avec calme un des médiateurs en soins relationnels.

Au total, après 764 interventions sur 9 mois (85 par mois), tous les acteurs reconnaissent le succès du dispositif et sa place dans l’offre de soins du territoire. « On a vu le nombre d’hospitalisations forcées nettement diminuer »,
témoigne le Dr Flaquet. « Pris en charge par EPIC, les patients sont directement orientés vers les urgences psychiatriques, une hospitalisation, des soins à domicile dans les jours qui suivent, etc. » Les patients, les familles, les élus locaux, les services de sécurité civile… toute la communauté bénéficie de ces interventions ciblées, au domicile ou sur la voie publique, en ville comme à la campagne.

1 648 appels (février à novembre 2024)

764 interventions (février à octobre 2024)

937 000 € de budget, alloués par l’ARS

Un modèle à exporter

« C’était un dispositif expérimental financé à 100 % par l’ARS Martinique, qui se termine en avril, et que nous nous sommes engagés à maintenir durablement », explique le Dr Marie-Laure Audel, médecin inspecteur de santé publique et référente de la Santé mentale à l’ARS Martinique. De quoi inspirer d’autres territoires ?

L’hôpital psychiatrique de Guadeloupe a déjà manifesté son intérêt pour cette équipe de terrain d’un nouveau genre, qui comprend 7 infirmiers, 5 médiateurs en soins relationnels, un cadre infirmier et un psychiatre référent.

De même, le docteur Debien, psychiatre reconnu et coordinateur national du 31 14 (numéro de prévention du suicide) a également été interpellé par le déploiement de ce « Samu des urgences psychiatriques » conçu en intelligence en fonction des réalités des patients et du territoire.

Sur la base de cette expérimentation pionnière, « nous sommes en train d’établir un cahier des charges pour que le dispositif puisse être repris et décliné par d’autres ARS en France », confirme le Dr Audel. De quoi mettre en lumière une solution innovante et éprouvée, « et faire de la psychiatrie de crise une spécialité à part entière », conclut le Dr Flaquet.

*Service d’Incendie et de Secours
** Centre hospitalier universitaire de Martinique

Ce projet démontre la capacité de l’ARS et de ses partenaires à adapter des politiques pour répondre aux besoins spécifiques du territoire. Depuis de nombreuses années des élus et des professionnels demandaient une réponse pour des interventions sur la voie publique. L’Etat a répondu favorablement à cette demande.