Selon Junisa Gumbs : « On fait la différence en montrant, pas en disant »
Première Saint-Martinoise diplômée de Sciences Po Paris, Junisa Gumbs est aujourd’hui directrice de cabinet à la COM. Mais elle est aussi maman de deux enfants. Inspirant, son parcours est celui d’une femme qui n’a jamais baissé les bras.
Texte Lise Gruget
« Je ne savais pas que c’était impossible donc je l’ai fait. » C’est ainsi que Junisa Gumbs s’amuse à résumer son parcours atypique. Première du territoire à être diplômée de Sciences Po, elle est aussi la première Saint-Martinoise à recevoir le Prix du talent d’Outre-mer en 2016. Son expérience professionnelle l’a conduit du privé vers la Maison de Saint-Martin à Paris dès 2014, jusqu’au poste de directrice de cabinet à la Collectivité de Saint-Martin. À 34 ans, elle exerce donc « un rôle de chef d’orchestre » entre le Président Louis Mussington, son équipe politique et l’administration.
Pour Junisa Gumbs, c’était « Science Po ou rien »
« La particularité de mon parcours, celle qui impressionne un peu, c’est que j’ai fait tout ça en tombant enceinte après mon bac », confie, un peu gênée de se mettre en avant, celle qui est aujourd’hui maman de deux enfants de 15 et 4 ans. Un exploit qui tient aussi au fait que comme beaucoup de jeunes saint-martinois, elle a grandi dans une famille monoparentale modeste où l’on ne parle pas français et dont elle est la première diplômée… Le désir de s’extirper de sa condition la pousse à réussir le concours d’entrée ZEP de Sciences Po en 2007, soutenue par le proviseur de son lycée et ancien président de la Collectivité, Frantz Gumbs, “mon mentor”. Elle obtient le droit de repousser son départ d’un an, met son fils au monde et prend la décision la plus difficile de sa vie : le confier à sa mère pour partir poursuivre ses études.
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Un sacrifice payant
« J’ai fait Sciences Po sans vraiment comprendre l’ampleur d’une telle institution. C’est l’idée d’obtenir une bourse, de sortir de mon foyer et de pouvoir proposer à mon enfant un autre moyen de vivre en lui ouvrant la possibilité de faire des choix dans sa vie que je n’ai pas eus, qui ont été mes plus grandes sources de motivation. » Bien qu’elle porte encore le poids de ce sacrifice, elle n’a aucun regret. « J’ai été mal vue par beaucoup, admirée par d’autres, et pas du tout comprise par certains. Je ne souhaite cela à personne. J’en suis sortie sans thyroïde et cela m’a valu pas mal de séances de psychothérapie. Mais c’était un mal pour un bien. Cela a forcément eu des conséquences sur mon fils aussi, mais aujourd’hui il comprend pourquoi j’ai pris une telle décision. » Après l’obtention de son diplôme elle récupère son fils et commence alors une nouvelle vie parisienne où elle doit jongler entre sa vie professionnelle et celle de mère célibataire. « Je ne compte plus le nombre de fois où il a dû visiter le ministère des Outre-mer », ironise-t-elle.
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Junisa Gumbs ou le souci de l’exemplarité
Junisa Gumbs incarne l’absence de fatalité : « quel que soit son milieu et même si on a un enfant à 19 ans, on peut s’en sortir parce que la France nous le permet ». Rapidement, elle s’engage pour que les jeunes de Saint-Martin aient de telles opportunités, qu’ils puissent étudier en métropole et revenir, s’ils le souhaitent, pour combler les besoins de compétences du territoire. Elle même nourrit l’envie de rentrer depuis longtemps et l’occasion se présente fin 2020 : elle devient chargée de mission du dispositif Cadre Avenir et pilote le GEPECT (Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). Un poste sur mesure, conforme à son parcours et à ses convictions personnelles. Source d’exemplarité à elle seule, Junisa encourage la jeunesse à se réaliser. Et la jeune femme de citer Michelle Obama : « la seule limite à la hauteur de vos réalisations est la portée de vos rêves et votre volonté de travailler dur pour les réaliser ». Comme elle ? Elle sourit, « c’est un chemin, rien n’est terminé, d’autres jeunes viendront, je saurai laisser ma place. Je poursuivrai ma route, pourquoi pas en Australie ? »
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