Portrait : Abela Gérard, 41 ans de carrière chez la sucrerie Gardel
Il est et restera le responsable de la fabrication tant aimé de la sucrerie Gardel. Rencontre avec Abela Gérard, un grand monsieur aux 41 années de carrière.
Chez Gardel, on le connaît très bien. C’est même lui qui assure depuis 41 années les bons procédés et le respect de la matière. Souvent le premier arrivé et le dernier parti, il est l’ombre bien connue des ateliers : l’homme qui hume, qui touche et qui teste. L’homme qui rend service, qui vérifie et qui aide.
Pourtant, ce que l’on sait moins, c’est que rien ne prédestinait Abela Gérard à faire ce choix de carrière, « j’aurais pu faire comme mes camarades, j’aurais été professeur dans un collège ou dans un lycée. C’est ce que je pensais faire mais vous savez, avec la vie, il faut se laisser quelquefois guider ».
Avec nous, il a accepté d’ouvrir une parenthèse, la sienne, pour nous partager ces quatre décennies de travail et de responsabilités.
Tout commence lors d’une courte saison sucrière, en 1979.
Abela Gérard a alors 24 ans. C’est la première fois qu’il touche d’aussi près à la fabrication du sucre. Formé aux bases scientifiques de la chimie et de la biologie, c’est deux ans plus tard qu’il rejoint officiellement les équipes en tant que responsable de la maintenance.
Très vite, ses connaissances théoriques et son savoir-faire technique sont remarqués par sa hiérarchie. Sa rigueur et son professionnalisme lui valent d’être promu à seulement 26 ans au poste de contremaître. « C’était surprenant d’être promu aussi vite mais j’ai accepté car je n’aime pas fuir mes responsabilités. »
Pendant des années, en tant que chef de quart, c’est donc Abela Gérard qui se charge de maintenir une cohésion d’équipe tout en assurant une production de canne à sucre suffisante. Le travail est rude avec un rythme journalier rotatif qui exige de lui et de toute son équipe un grand sérieux et une adresse à toutes les étapes.
« Lorsque la canne avait fleuri sur les 1 000 hectares de plantations, il ne fallait pas attendre pour la récolter, la cultiver et transformer tout cela en 37 000 tonnes de sucre. Au début, j’ai éprouvé quelques difficultés. »
Heureusement, il reçoit l’aide de Monsieur Lepoigneur, lui-même chef de fabrication chez Gardel.
Abela Gérard se souvient : « Ce responsable production était Mauricien, il avait une grande connaissance des procédés sucriers. Nous avons échangé à de nombreuses reprises et puis, un jour on m’a proposé de partir me former », explique-t-il avec joie.
Nouvelles pratiques de production
Et c’est alors, à des milliers de kilomètres, que le technicien qui maîtrisait la vapeur et le turbinage de la masse cuite se retrouve confronté à de nouvelles pratiques.
« Étudier ces procédés était nécessaire pour participer activement à l’amélioration de nos performances industrielles. À ce moment-là, nous avions beaucoup à apprendre sur la modernisation et l’optimisation des procédés de fabrication. »
Dans les années 1990, Gardel fait donc le choix stratégique d’investir massivement et d’intégrer d’autres savoir-faire pour consolider l’entreprise.
« C’est à ce moment-là que nous avons fait appel aux cuiseurs de la Guyana et que de notre côté, nous sommes partis nous former à l’île Maurice et à l’île de la Réunion, car là-bas, les exploitations sucrières y sont très développées sur le plan technique » se rappelle le contremaître, passé responsable de la fabrication.
Toujours passionné par la rencontre et par l’apprentissage, Abela Gérard se souvient avoir gribouillé des schémas et inscrit des notes dans son carnet de route.
« Je me rappelle que nous avions tous à cœur, de rechercher la pureté de la mélasse. Dans ce métier, vous savez, il faut être passionné. »
Et la passion, Abela Gérard sait de quoi il parle.
On ne reste pas quatre décennies à un endroit sans s’être amouraché de ses terres guadeloupéennes.
« Vous savez, toutes les usines sucrières ont les mêmes principes en termes de management et de technique, mais ici, en Guadeloupe, on a une culture, on aime la canne et on aime le sucre que nous produisons » nous dit-il, ému.
C’est la raison pour laquelle passer le flambeau est une absolue nécessité pour cet expert qui n’aura eu de cesse durant toute sa carrière de garder les yeux émerveillés d’un écolier. Alors, comme le disait si bien Aimé Césaire dans son poème, Parfum de canne à sucre, « l’avenir n’est rien si on ne se souvient pas ».
« Perpétuer la transmission, cultiver notre patrimoine et laisser une trace dans et en dehors de notre continent est ce qui a animé toute ma vie. »
Et c’est sur ces mots, que Monsieur Abela Gérard, nous remercie.
Quand Gardel fête ses 150 ans
Un peu d’histoire
Fondée en 1870, l’usine Gardel est la dernière usine sucrière de la Guadeloupe encore en activité. A l’issue des nombreuses restructurations de l’activité sucrière, elle est aujourd’hui garante d’un savoir-faire qui a façonné l’identité d’un territoire et de ses habitants.
Située au cœur du bassin cannier de la Grande-Terre, l’entreprise produit plus de 50 000 tonnes de cannes chaque année et transforme près de 80 % de la canne guadeloupéenne.
Des coupeurs de canne aux techniciens agricoles
Qu’ils soient planteurs, coupeurs, conducteurs d’engins, conducteurs de moulins, évaporeurs, cuiseurs, opérateurs de conditionnement ou responsables de la production, ils sont 320 effectifs inter-campagne et 450 effectifs en campagne sucrière à participer au développement de la filière.
L’entreprise est aujourd’hui le premier employeur industriel agro-alimentaire de la Guadeloupe.
Vivre avec son temps
Gardel a fait le choix de pousser plus loin les objectifs du développement durable en devenant la première exploitation agricole et usine éco responsables.
Première sucrerie européenne certifiée ISO 50001, Gardel a développé son autonomie énergétique en s’adossant à une centrale thermique de valorisation de la bagasse.
Un objectif permanent de développement de son exploitation agricole cannière dans le respect et la préservation de la terre et de l’environnement.
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