Emerwall, verdir le BTP

Emerwall est une jeune entreprise qui produit des panneaux d’isolation. Dans leur fabrication, ils intègrent un processus d’économie circulaire dont la matière première ne manque pas sur les territoires antillais : la bagasse de canne à sucre.

Quentin Godinot, Louis Frigaux et Valentin Lacroix ontmis au point des matériaux de construction réalisésà partir de la bagasse de canne à sucre. © Jean-Albert Coopmann
Yva Gelin

Emerwall est une jeune entreprise qui produit des panneaux d’isolation. Dans leur fabrication, ils intègrent un processus d’économie circulaire dont la matière première ne manque pas sur les territoires antillais : la bagasse de canne à sucre.

Par Yva Gelin – Photos Jean-Albert Coopman

Pouvez-vous nous raconter la genèse du projet Emerwall ?

Valentin Lacroix, président et responsable de la stratégie commerciale : L’idée vient d’un constat. Généralement, pour isoler, on utilise du lin ou du chanvre. Je me suis demandé ce qu’on pouvait faire avec les ressources locales de Guadeloupe et de Martinique. Avec des amis, Quentin, Louis et Amir, nous avons donc créé Emerwall, en 2021, pour fabriquer des matériaux d’isolation thermique et acoustique à partir de bagasse de canne à sucre en Martinique.

Cette même année, nous avons obtenu la Bourse French Tech (30 000 euros), qui nous a permis de développer le matériau et de le caractériser. Puis, nous avons été lauréats du PIA4 (1) par BPI France. Grâce à ça, on a pu déposer un brevet sur le matériau, sur le processus de fabrication, et financer l’acquisition d’un outil de production industrielle. Depuis 2023, nous sommes à Ducos. C’est notre première usine de production et nous sommes fiers car deux distilleries nous font confiance en nous fournissant de la bagasse de canne à sucre. Et on a aussi pu produire les premiers mètres carrés sur l’île.

Pourquoi vous êtes-vous tournés vers la bagasse ?

On est tous ingénieurs et très observateurs, avec le réflexe de la recherche appliquée plus que théorique. En réalité, nous avons fait énormément de petits prototypes pour obtenir des données. On a pensé à la bagasse, à la banane, au coco, évidemment aux sargasses… Il fallait un bon rapport qualité-prix, donc une matière première disponible en quantité et dont la filière est déjà existante. La sargasse et le coco ont été écartés. Quand on a fait les premiers essais thermiques, acoustiques et mécaniques, la bagasse est sortie du lot.

Dans le concept Emerwall, l’économie circulaire est aussi très importante et il fallait trouver un moyen de récupérer une ressource locale. Nous sommes soudés et complémentaires, c’est grâce à ça qu’on a pu développer le produit en un an et demi. On est partis de rien et on arrive à un produit viable, commercialisable et certifié.

Vous avez, malgré tout, traversé quelques moments de doutes…

Oui, le premier, et l’un des plus importants, a été de se demander si on allait réussir à commercialiser le matériau alors qu’il est principalement naturel. Dans le bâtiment, l’aspect résistance au feu est très important. On s’est focalisé, pendant de longs mois, pour essayer d’en faire un matériau naturel et en même temps résistant au feu. Finalement, la solution a été d’appréhender la structure d’isolation et pas seulement le matériau.

Une fois les étapes du défibrage et du séchage faites, la bagasse est mélangée à un liant textile. © Jean-Albert Coopmann
Une fois les étapes du défibrage et
du séchage faites, la bagasse est
mélangée à un liant textile. © Jean-Albert Coopmann

Détaillez-nous les dessous de l’économie circulaire qui a été mise en place…

Nous sommes partenaires des distilleries La Mauny et JM. Lorsqu’elles produisent leur rhum avec la canne à sucre, elles produisent aussi la bagasse qui est le résidu de l’extraction. Cette dernière nous est livrée par camion et on la transforme pour récupérer la fibre. Ensuite, on commercialise vers des chantiers qui se font localement. Les distilleries ne produisent pas toute l’année donc, dès le début de la saison, on se met d’accord sur un volume pour Emerwall et la bagasse est stockée. L’idée est de sortir la bagasse de son statut de déchet, d’en faire une matière première et de la transformer en un matériau qui a une durabilité de 50 ans.

Pourquoi avoir fait le choix de l’isolation ?

Avec Quentin, quand nous étions en région parisienne pour nos études, on se disait que les bâtiments étaient vraiment ternes et qu’on aurait aimé reverdir les murs. En fouillant un peu dans la composition d’un mur, on s’est rendu compte que l’isolation, c’est typiquement l’une des choses qu’on pouvait verdir. C’est d’ailleurs devenu notre slogan : « Construire vert l’avenir ». Avec le nom “Emerwall”, l’idée était de transmettre un matériel vert, naturel et de qualité. L’objectif, maintenant, est d’être viable et donc que les ressources financières puissent être entièrement liées à notre activité de production.

(1) Programme d’investissement d’avenir


Retrouvez cet article dans le hors-série Outre-mer Innovation.