Pour le Dr Henry Joseph, les valeurs de l’entreprise sont de protéger la diversité de vie

Dr Henry Joseph - Credit Photo Lou Denim|Dr Henry Joseph - Credit Photo Lou Denim|

Destiné à devenir ingénieur agronome, le Dr Henry Joseph a consacré trente-cinq ans de sa vie à la recherche scientifique dans la pharmacopée guadeloupéenne. Un parcours de passionné, qui lui a valu d’obtenir cinq brevets dont deux reconnus au niveau mondial. 

Texte Maë Poyel – Photo Lou Denim 

Dr Henry Joseph, quel rôle a joué la nature dans votre parcours ?

J’ai passé toute ma vie dans une vallée de Gourbeyre, entourée de montagnes, d’eau froide et chaude. Mes parents vivaient à la campagne, en totale autosuffisance alimentaire. Nous étions donc en stage d’apprentissage perpétuel. Au collège, je me souviens d’un enseignant en sciences naturelles, qui nous avaient emmenés aux bains de Dolé pour récolter des escargots et en avait fait un superbe dessin. Ça a éveillé un petit peu ma conscience sur la faune. Mon enfance a été très riche avec ces fameux stages, c’est-à-dire que mes parents nous inculquaient les valeurs respect et travail. Sur le terrain familial, il y avait beaucoup de fruits, nous suivions le rythme des saisons. La fondation de notre maison corps était parfaite, constituée des éléments du terroir et j’avais une très bonne connaissance de mon environnement.

Quelle a été votre première expérience avec l’herbe à pic ?

Plus jeune, j’ai eu la bilharziose et mes parents m’ont soigné avec l’herbe à pic. C’était mon premier contact avec cette plante. Il y avait une boutique, celle de « Man Popo », où sur le comptoir était posée une bouteille de rhum où macérait de l’herbe à pic. J’avais 7 ans, j’étais curieux et je lui ai demandé ce qu’il y avait à l’intérieur. Elle m’a dit de ne pas y toucher car c’était du « zèb a pik » et que c’était pour les grands. Les gens l’appelaient pour boire cette potion et faire le « décollage ». Ce qui m’a marqué, c’est que je n’ai jamais vu ces hommes malades, ni grippe, ni rhume. 

Quand vous lancez-vous dans l’aventure entrepreneuriale ?

Le Dr Pierre Sainte-Luce et moi créons HP Santé en 1989 mais nous étions trop novateurs pour l’époque. Faire des produits à base de plantes, les cultures de plantes médicinales, c’était trop tôt pour la Guadeloupe et les pharmaciens vont un peu bouder nos produits. À cette période, je crée un gel pour les jambes légères, qui existe encore aujourd’hui, un complément alimentaire à base de banane verte parce que lors d’un colloque à Cuba, on a découvert les propriétés cicatrisantes sur la muqueuse gastrique de la banane verte. J’ai également fait des gommages avec des graines et de l’huile de goyave, un masque au dictame. Le docteur Sainte-Luce crée son centre de thalasso en 1992. Je travaillais dans une pharmacie à mi-temps et je m’associe avec ce pharmacien, Mr Lomon, pour racheter une pharmacie à Basse-Terre, la pharmacie de la Place. Nous avons fermé la société HP Santé. Avec le Dr Sainte-Luce, nous avons déposé notre premier brevet en 1992, pour un produit qui fonctionnait très bien pour faciliter la circulation de retour du sang veineux.

Dr Henry Joseph
Dr Henry Joseph – Credit Photo Lou Denim

Vous continuez malgré tout à créer de nouveaux produits… 

Je vais garder les produits que je faisais à HP Santé et en créer d’autres dans notre nouvelle pharmacie : un gel pour les muscles et les articulations à base de l’herbe charpentier et du gommier rouge, un gel anticellulite… Dans la pharmacie, nous faisions de l’éducation populaire avec des diapositives de plantes médicinales où les propriétés de l’Herbe Charpentier, du Semen-Contra entre autres défilaient. 

En 2005, vous donnez une autre orientation à votre carrière et créez le laboratoire Phytobôkaz. Quel a été le déclic Dr Henry Joseph ?

Je voulais absolument refaire HP Santé qui correspondait plus à mon profil et ma vocation, que la pharmacie d’officine. Victor Hugo disait : « Il n’est rien au monde d’aussi puissant qu’une idée dont l’heure est venue ». Les gens étaient déjà intéressés par les plantes médicinales, les produits locaux, etc. Quand j’étais à la pharmacie, je faisais beaucoup d’émissions sur la nutrition et le manger local. Je continuais mes recherches sur l’herbe à pic parce que je faisais partie d’un réseau caribéen de chercheurs, Tramil, créé en 1983. Nous étions 13 chercheurs dans 8 pays parmi les membres fondateurs. Aujourd’hui, nous sommes près de 200 chercheurs issus de 30 pays. Avec mon réseau de chercheurs, nous avons trouvé une activité antipyrétique de l’herbe à pic. On a donc prouvé que cela marchait pour la fièvre.

Ensuite, on a aussi vu que cette plante fonctionnait sur les douleurs nociceptives et périphériques puis sur les parasitoses à protozoaires, comme la leishmaniose, la maladie de Chagas, les amibes ou même le paludisme. Fort de tous ces travaux scientifiques, j’ai déposé un premier brevet en 2004 pour l’herbe à pic, qu’on a obtenu en 2005 à la création du laboratoire. Pour démarrer la société, j’ai pris les produits que j’avais créé à la pharmacie et retenu les six meilleures ventes.

Entreprendre et réussir, c’est pouvoir maîtriser les tenants et les aboutissants de son entreprise

Dr Henry Joseph, pharmacien et pharmacognoste. 

Comment ont été accueillis vos produits ?

Au départ de Phytobôkaz en 2006, 70 pharmaciens vont nous faire confiance en Guadeloupe. Ceux de la Martinique ne voudront pas de mon produit. Puis, en 2007, mes six produits étaient en vente dans toutes les pharmacies de Guadeloupe. En 2009, c’est la crise sociale avec le LKP (Lyannaj kont pwofitasyon) mais aussi le début de la grippe porcine au Mexique, qui deviendra le H1N1. Lors de la crise sociale, les gens disaient de ne pas avoir peur car il y avait l’herbe à pic. C’est ainsi que les ventes du produit vont démarrer. Les Martiniquais venaient par bateau l’acheter jusqu’à ce que les grossistes décident de le vendre, c’est ainsi qu’on a pu démarrer en Martinique. Par la suite, on ira timidement en Guyane mais c’est lorsque que le Covid est arrivé que ça a explosé dans les trois DFA (département français d’Amérique). 

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Dr Henry Joseph, vous avez dédié 35 ans à la recherche scientifique, quel regard portez-vous sur votre travail ?

Mon parcours me permet de dire aux hommes de prendre seulement une minute, de respirer et de comprendre la respiration. Pourquoi mange-t-on, respire, boit ? Qu’est-ce qu’on mange, respire, boit ? On s’apercevra que finalement, tout est dans la nature. Mon rêve est de faire de la Guadeloupe un oasis planétaire exemplaire, sans « cides » qui signifie tuer (insecticides, herbicides, fongicides, homicides), qu’on arrête de tuer la vie, et que nous devenions tous des déCIDEurs, ceux qui arrêtent de tuer. Pourquoi passer son temps à se remplir les poches, pour quelque chose qui n’est pas comestible, comme par exemple le pétrole qui crée la guerre, la mort, au lieu de se consacrer à la diversité de vie et à sa préservation ? C’est un combat de vie. J’essaie de le faire au sein de mon entreprise en protégeant l’homme de la maladie tout en revalorisant notre biodiversité ou en faisant de la prévention santé. 

Quelles sont les valeurs de Phytobôkaz ?

Les valeurs de l’entreprise sont de protéger la vie. Sur la seule planète du système solaire qui abrite une diversité de vie ou biodiversité, l’homme passe sa vie à tuer la vie et à faire de grands trous (pétrole, gaz, uranium, or, diamant, etc.) pour chercher ses richesses. Notre objectif est de comprendre le fonctionnement des écosystèmes et les mettre en symbiose. C’est pourquoi je partage cette nouvelle notion d’économie du vivant avec Isabelle Delannoy, inventeur du concept de l’économie symbiotique, à la fois régénératrice et collaboratrice et non plus d’affrontement. 

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Quelles sont les clés de la réussite pour vous ?

Entreprendre et réussir, c’est pouvoir maîtriser les tenants et les aboutissants de son entreprise, dans notre cas, la maitrise des itinéraires techniques agricoles, qui fournissent nos matières premières et celles des itinéraires industriels pour leurs transformations.

Vous avez déposé cinq brevets dont deux sont reconnus mondialement. Vers quoi tendez- vous maintenant ?

Nos projets seront orientés vers une diminution de notre empreinte carbone, face au réchauffement climatique. Au lieu de chercher un savon de Marseille, vous aurez des savons faits avec de l’huile de Galba, de Moringa ou autres oléagineux tropicaux. On va fabriquer nos huiles et nos savons. On travaille également sur la coloration pour cheveux mais aussi des colorations naturelles pour sortir de la pétrochimie comme les peintures pour les artistes, la coloration des vêtements, car nous avons le plus bel indigo du monde. Nous allons également créer des couleurs alimentaires. Beaucoup de belles choses arrivent mais je garde quelques secrets… 

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C’est le nombre de salariés que compte le laboratoire Phytobôkaz. On y retrouve des ingénieurs en recherche-développement, des ingénieurs qualité, des chefs de production, des responsables de stock, des chefs des oléagineux pour la réalisation d’huiles, des agriculteurs pour la maîtrise des itinéraires techniques agricoles. 

Une vie dédiée à la recherche
Créé en 2005, Phytobôkaz est l’association de deux passionnés : feu Paul Bourgois, professeur de chimie et le Dr Henry Joseph, son ancien élève. En 1992, il dépose un premier brevet portant sur la préparation d’un gel à base de la plante Zèb Chapantyé, indiqué dans le traitement des pathologies lympho-veineuses. Dès la fin de ses études de pharmacognosie, le Dr Henry Joseph s’intéresse déjà aux propriétés de l’herbe à pic. En 2005, il dépose un brevet pour cette plante, pour une composition traitant les pathologies résultant de refroidissements, infections virales à ARN et parasitoses à protozoaires.
L’année 2018, il obtient un brevet pour le procédé d’isolement et l’application de la résine de l’huile de Galba comme cicatrisant. S’ensuit un autre en 2019, sur le pain sans gluten, procédé de fabrication de pâte sans ou pauvre de cette protéine, à base de dictame et de pois pays, qui sera reconnu dans la sphère mondiale.
En 2022, un second brevet de rayonnement mondial sera déposé sur un extrait d’herbe à pic inhibiteur de la Dihydroorotate Déshydrogénase humaine (DHODH) pour le traitement d’infections par virus à ARN notamment de la COVID-19.

Laboratoire Phytobôkaz
Chemin de Gros Morne Dolé
97113 Gourbeyre 
0590 94 10 04
www.phytobokaz.fr
Facebook : Laboratoire Phytobôkaz