La coopération régionale, est-ce que ça marche ?
La coopération régionale, est-ce que ça marche ?
Interreg : Bâtir une coopération caribéenne
Charles-Edouard Nicaise, Directeur du Secrétariat Technique Commun Interreg, revient sans détour sur les succès du programme européen, mais aussi sur les difficultés qui freinent encore la mise en place de projets de coopération dans la Caraïbe.
En quoi le programme Interreg a-t-il changé la façon de bâtir une coopération caribéenne ?
Le programme Interreg est le seul dispositif français et européen spécialement bâti pour cet objectif : « Mieux insérer les DFA et leurs économies dans leur espace régional. » Pour cela, Interreg a une stratégie articulée autour de trois axes prioritaires (développement économique, gestion du patrimoine naturel et des risques majeurs, rapprochement des populations e des institutions) qui s’intéressent à tous les secteurs et thématiques du développement. L’ensemble des dépenses correspondant à ces différentes activités sont éligibles dans un seul et même programme qui couvre un espace de coopération très important (du Mexique jusqu’au Nord de l’Amérique latine).Le programme Interreg est donc un outil dédié, à la fois souple et puissant.
Et concrètement ?
Sur le plan pratique, Interreg a permis de financer des projets dans des domaines très diversifiés. Grâce à la pose d’un câble numérique entre Puerto Rico et Trinidad, l’arc Antillais dispose désormais d’une connexion Internet à haut débit qui favorise le décloisonnement de ses territoires et leur attractivité en termes de services NTIC. Dans le secteur du transport maritime, le moteur de recherche du projet BECCA fournit, à partir de sa base de données, tous les renseignements utiles sur les services disponibles pour le transport maritime de marchandises conteneurisées ou conventionnelles entre les îles États de la Caraïbe et les pays du continent américain bordant ce bassin. Il permet également à ces services de lancer leurs offres de transport en temps réel. L’observatoire caribéen du VIH mis en place par le CHU de Pointe à Pitre en collaboration avec ceux de Cayenne, de Fort de France et du centre hospitalier de Saint-Martin, soutient de nouvelles prises en charge thérapeutiques faisant intervenir l’assistance médicale à la procréation pour les couples infectés, les tests de dépistage rapide par l’utilisation de séquençage du génotype ainsi que des enquêtes parmi les communautés présentant des comportements à risques. On pourrait citer également le projet Géothermie entre la Dominique, la Guadeloupe et la Martinique ; le projet Dauphin Telecom permettant d’offrir des services à moindre coût grâce à la technologie IP (telephony over Internet Protocol) ; le projet OHADAC qui tend à la mise en place progressive d’un droit unifié des affaires dans la Caraïbe ; ou encore le projet “Partenariat universitaire pour la formation des diplomates et acteurs de la coopération régionale dans la Grande Caraïbe”, piloté par l’UAG.
Quel retour avez-vous pu recevoir des autres pays de la Caraïbe ?
Le point positif, c’est que les pays de la Caraïbe apprennent à travailler ensemble, à partager et à rapprocher des méthodes de travail, à mutualiser des moyens, à entreprendre des diagnostics et des approches partagés, à entreprendre des joint-venture renforçant les capacités des entreprises pour affronter le marché caribéen et international. Pour les aspects négatifs, les différences culturelles, linguistiques, administratives et l’éclatement des territoires ne facilitent pas le rapprochement des partenaires potentiellement intéressés à développer des liens et des courants d’affaires. Les coûts de préparation des projets sont importants, les procédures jugées encore trop longues et pas assez proches des besoins opérationnels des opérateurs. Les bénéfices des activités générées par les projets sont plus profitables aux territoires français qu’aux pays tiers.
En sus des difficultés déjà recensées, quelles difficultés majeures rencontrez-vous dans la mise en place de projets avec des pays tiers ?
On peut regretter l’absence d’instrument financier unique pour les euro régions et pour les pays tiers. Les premières disposent des fonds du FEDER, où seules les dépenses faites par les ressortissants des euro régions sont éligibles (celles faites par les pays tiers ne le sont pas). Les seconds disposent des fonds du FED (fonds européen de développement), qui sont davantage orientés sur le développement territorial que sur la coopération et dont le cycle et les procédures d’instruction différent ceux du FEDER. Il en résulte une vraie difficulté à mettre en place des cofinancements qui permettraient de mieux équilibrer la répartition des actions entre partenaires de la coopération. Finalement, les procédures européennes sont-elles réellement appropriées à ce genre de programmes “transnationaux” ? Seule une concertation plus régulière entre programmes et entre bailleurs de fonds permet de faire converger sur un même projet des financements d’origine différente. Le Conseil régional de la Guadeloupe, en tant qu’Autorité de gestion du programme Interreg, oeuvre pour une plus grande coopération avec les institutions régionales (Organisation des états de la Caraïbe Orientale -OECS; Association des États de la Caraïbe- AEC; CARICOM/CARIFORUM, ainsi que les services des affaires européennes et de la coopération des autres collectivités françaises (Martinique, Guyane, Saint-Martin).
Qu’est-ce qui pourrait être entrepris pour faciliter à l’avenir le développement de projets Interreg ?
Le programme Interreg est à la recherche de projet innovants, structurants et dans une logique gagnant- gagnant. Pour cela, il faut entreprendre une gestion plus stratégique du programme. Celui-ci doit aller au devant des porteurs de projets, prospecter les secteurs de pointe et ceux où peuvent être recherchées les réponses aux grandes problématiques de la coopération et de l’intégration régionale caribéenne. Améliorer les transports maritimes et aériens, renforcer la maîtrise linguistique et les formations universitaires, jeter des ponts entre les procédures administratives et les cadres législatifs pour faciliter les collaborations institutionnelles et les échanges entre entreprises du secteur privé, constituent autant de pistes que le STC entend prospecter.