Dominique Vienne, le passionné
Dominique Vienne est un chef d’entreprise. Il préside aussi la CGPME Réunion depuis six ans. C’est avant tout un passionné. Passionné par son île, les hommes qui la peuplent et font, chaque jour, son économie. Lui, s’efforce d’y insuffler une dynamique collective. Avec Dominique Vienne, pas de doute, l’économie est vivante. Portrait.
Par Benjamin Postaire
« Faire les choses, c’est se réaliser ». Il n’a pas besoin de le dire ça saute aux yeux : Dominique Vienne est un homme d’action. Même lorsqu’il parle, assis, il est en mouvement. Physiquement, puisque ses idées sont quasiment toujours illustrées par des gestes, mais également dans son discours, sans cesse en évolution, jamais figé. Une énergie incandescente, animée par des convictions, et au service d’une cause : une économie réunionnaise portée par ses savoir-faire locaux.
Cette cause, il l’épouse en juin 2010 lorsqu’il prend la présidence de la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises), succédant à Pascal Thiaw-Kine. « Pascal m’a donné envie de rejoindre la CGPME à travers le discours qu’il portait », se souvient Dominique Vienne. « Dans toute stratégie, les idées sont certes importantes, mais il n’y a que les actions qui les légitiment ». Aussi, à peine quatre mois plus tard, il signe avec le Conseil Général la première convention SBA (Small Business Act dénommée à la Réunion Stratégie du Bon Achat) et pose, déjà, la première pierre du grand édifice qu’il imagine.
Prendre le cadre réglementaire comme une opportunité de faire de l’acte ordinaire d’achat public un acte fort de développement économique, par les entreprises et leurs savoir-faire locaux. Il va devenir le fil rouge de son action à la CGPME Réunion. Et chaque nouvelle étape le rapproche un peu plus de l’objectif initial : « casser les barrières et croyances, rendre l’accès aux marchés publics équitable pour les TPE/PME réunionnaises ».
Un jeu, une philosophie
Six ans plus tard, le chemin parcouru est vertigineux. De nombreux SBA ont été signés et une association, regroupant 14 organisations patronales (dont la CGPME Réunion), l’ensemble des signataires de marchés publics des collectivités et prochainement des opérateurs comme le CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale), a été créée pour généraliser le recours au SBA.
Mieux encore, la récente Loi pour l’Egalité Réelle votée il y a quelques jours, introduit dans son article 19, à titre expérimental pour les collectivités d’Outre-mer, la possibilité de réserver 30% de chaque appel d’offres public aux TPE-PME pour une durée de cinq ans.
« Il s’agit là de la rencontre entre un cadre législatif qui donne légitimité aux donneurs d’ordre publics et d’une méthodologie éprouvée qui paye depuis six ans déjà. Cette rencontre permet aux TPE/PME, aux savoir-faire locaux, d’avoir accès à la commande publique. »
Pour Dominique Vienne, le SBA comme l’article 19, créent les conditions de maximisation des retombées économiques locales de la commande publique. Cela se traduit de façon pérenne, par des investissements, fiscalité, innovation et emplois locaux.
Une fierté pour Dominique Vienne, mais pas une fin en soi. Car, il en est persuadé, beaucoup d’outils pour le développement de l’économie réunionnaise existent déjà, encore faut-il avoir la volonté et la persévérance de les utiliser. « Aucune loi ne jaillira avec les réponses à l’ensemble des maux de l’Outre-mer. En revanche, chaque jalon doit permettre de travailler ensemble pour avancer dans la bonne direction ». L’action, toujours. Et cette fois, c’est le jeu de Go installé sur la table de son bureau qui servira pour joindre le geste à la parole. Un jeu qui le passionne et dont il tire une morale philosophique : « C’est un jeu de coexistence où l’autre est une force adverse et non un adversaire. C’est le jalonnement et l’enchaînement du jeu qui permet d’arriver à son but ultime ».
Petit-fils d’agriculteurs de Saint-Joseph, il revendique fièrement cette « démarche de bon sens paysan ». « Il faut d’abord labourer le sol pour le rendre fertile. C’est une tâche longue et laborieuse mais nécessaire », explique-t-il. Là encore, l’analogie est évidente avec la « stratégie de bon achat » qu’il souhaite de toutes ses forces pour La Réunion. « De nombreux territoires de métropole développent l’économie de proximité qui permet, pour 1€ investi, d’en récupérer 3. Nous avons donc les outils, il faut maintenant avoir la conviction que c’est nécessaire, possible, et l’ambition de l’organiser ».
Pour des Réunionnais fiers… de leur économie
De l’ambition, Dominique Vienne n’en manque pas. Pour lui, probablement, mais surtout pour son île. Resté 20 ans en métropole, il avoue s’être parfois senti « déraciné ». Et puis, « quand on revient, on aime encore plus son territoire ». Son territoire, mais également les hommes qui y vivent. « Il faut oser et entreprendre avec audace. Cette audace, elle a toujours existé dans l’âme des Réunionnais. Mais il n’y a pas d’ambition pour la Réunion s’il n’y a pas d’ambition de Réunionnais. Il faut oser la Réunion, oser Péi !». L’humain et l’économie comme un tout indissociable. Nous affirmons « Not’ patrimoine », « not’ culture », mais il manque « not’ économie », ajoute-t-il. Les Réunionnais doivent AUSSI être fiers de leur économie ».
Lui, en tout cas, n’a aucun complexe. Pas avare d’idées, il lance, sans détour : « Les outre-mer sont le porte-avion du futur économique de la France. Aussi, rebaptisons le ministère des Outre-mer en ministère de l’Expansion française ». Puis développe : « Pour cela, il faut, à La Réunion, un représentant du ministère de l’Économie et du ministère des Affaires étrangères pour traiter directement avec les pays de la zone. Notre territoire doit être le hub de développement des entreprises françaises vers l’Asie et l’Afrique. ». Là encore, fierté et identité sont au cœur du jeu :
« Ultra-marins est un terme qui évoque quelque chose de petit et loin. Nous sommes la France océanique !».
En décembre, la ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts, va organiser une journée sur l’ancrage territorial de la commande publique à travers le SBA pour l’ensemble des outre-mer et faire rayonner cette pratique sur la France métropolitaine.
« Nous avons aussi de belles choses à partager. Penser globalement, agir localement. » Et, pas à une surprise près, il cite Victor Hugo pour l’illustrer : « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ».
Un portail pour tout savoir sur les marchés publics
L’association SBA va prochainement mettre en ligne un portail internet novateur. Il regroupera l’ensemble des données des marchés publics des collectivités référencées. Un outil au service de la transparence et permettant d’analyser les effets des actions menées.
Dans le cadre du volet « évaluation » des conventions SBA et de la nouvelle directive de la loi NOTRe sur l’accessibilité des données publiques des collectivités, l’association a souhaité mettre en œuvre un portail open data marchés publics pour nourrir cette transparence.
Dominique Vienne explique : « L’histoire de ce portail est intéressante : en faisant de la veille, je suis tombé sur une association bretonne. Sur son site, elle met en ligne toutes les informations relatives aux marchés publics passés dans sa région. J’ai trouvé ça génial et me suis demandé comment une petite association pouvait être autant en avance sur de grandes institutions. Pour dupliquer cette idée à la Réunion, je me suis tourné vers une start-up réunionnaise, Datarocks, dans l’esprit de promouvoir nos savoir- faire locaux. »
La solution permet via un simple navigateur internet d’accéder aux informations d’attributions des marchés publics. L’objectif étant de permettre aux citoyens, aux entreprises et aux collectivités de disposer d’un outil simple mais complet de consultation et d’analyse de données.
Au travers des différents tableaux de bord interactifs, les utilisateurs pourront filtrer visuellement et sélectionner les informations qui les intéressent.
Il sera par exemple très simple d’accéder « au montant total attribué aux entreprises du secteur Services d’aménagement paysager de moins de 10 salariés ». Ce type d’information pourrait permettre à un chef d’entreprise d’évaluer rapidement le potentiel d’un marché ou à des collectivités de mieux piloter leurs dépenses.
Aujourd’hui le code des Marchés Publics impose déjà aux collectivités de publier la liste des marchés conclus au cours des années précédentes. Ce portail permettra d’aller au delà de cette simple obligation de publication en offrant une solution vertueuse d’ouverture de données publiques. La mutualisation des informations permettra de faire des analyses temporelles, territoriales et sectorielles fiables et complètes. L’ambition affichée est de faire de ce portail une source d’innovations pour tous les acteurs.
« Nous sommes honorés de la confiance que nous porte l’association SBA. Cette plateforme sera une vitrine technologique importante pour DATAROCKS et l’occasion de montrer que nous avons à La Réunion des entreprises innovantes qui sont tout aussi compétitives que celles des autres territoires. De plus, nous sommes depuis la création de notre startup de fervents supporters de l’open data et contribuer à ce premier projet d’envergure d’ouverture de données publiques à La Réunion est très important pour nous. En sollicitant une jeune entreprise innovante Réunionnaise, l’association renforce encore plus le message qu’elle porte », explique Ludovic Narayanin , dirigeant de Datarocks.
Dominique Vienne conclut : « Je tiens à préciser que c’est une première pour l’Outre-mer ! Une collaboration a déjà été engagée avec la Cinor et nous sommes en contact avec les autres signataires dans la même dynamique de mise en œuvre. Nous pouvons tous en être
fiers. »