Consommer local… un jeu d’équilibriste

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Ann Bouard

Pour proposer au plus grand nombre les produits cultivés localement, les supermarchés doivent composer avec les volumes, les prix et les rythmes de livraison.

Texte et photo Ann Bouard

Sous forme de coopérative, Système U qui dispose de plus de 1 500 magasins dans toute la France, laisse carte blanche à ses directeurs pour gérer leurs approvisionnements. Les deux directeurs de Saint-Martin ont la volonté de distribuer local et de soutenir l’économie du territoire. Un engagement qui se heurte à une dichotomie entre une offre déterminée et une demande grandissante de la population.

La politique de l’enseigne est effectivement de travailler avec les producteurs locaux quitte à moins marger pour que ces produits restent compétitifs malgré des coûts de production plus élevés qu’ailleurs (obligation d’acheminer sur l’île engrais, emballages, etc., avec les frais de transport que cela induit). L’écueil se trouve dans les quantités et dans le suivi des livraisons, souvent insuffisantes et surtout aléatoires dans la régularité des approvisionnements.

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24 372 œufs chaque semaine

cosommer local
Œufs locaux

Pour avoir une vision concrète des besoins, le seul Super U de Hope Estate écoule, chaque semaine, deux tonnes de tomates et huit palettes d’œufs (soit 24 372 œufs). Impossible pour les producteurs locaux de suivre le rythme. Il en est de même pour les salades, dont la production locale, “malgré un réassort deux à trois fois par semaine”, ne peut suffire à elle seule à contenter les besoins des clients. « La production locale d’un mois entier, quelle qu’elle soit, est vendue en six jours seulement », décrit le responsable du Super U de Hope Estate. À cela s’ajoutent les demandes du Super U d’Howell Center, des autres enseignes comme Cadisco ou Monoprix, des supérettes chinoises et des supermarchés de la partie hollandaise.

Malgré cette gestion logistique un peu plus compliquée et inhabituelle pour les supermarchés dont la continuité de l’offre est un des critères de base, l’enseigne Super U met un point d’honneur à maintenir ses rayons de produits locaux. Soualiga Farm (œufs et salade), glaces Etna, Rhums arrangés Ma Doudou ou Enigma Time, figurent ainsi parmi les références, quelles que soient leurs fréquences de livraison. Une politique assumée de soutien et valorisation de l’économie locale que Super U souhaiterait amplifier et étendre à d’autres commerces et biens. « Un partenariat avec le fleuriste Instant Floral permet de proposer à la vente ses bouquets et ses plantes tous les vendredis à l’entrée du magasin », cite le gérant. En revanche pour la viande locale, si la demande a été faite auprès de l’abattoir, la question des volumes disponibles rend pour le moment impossible toute distribution.

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La prod locale : une nécessité ?
Le monde est en train de changer et nos rayons de supermarché aussi. Principale raison : le transport maritime. Les bateaux ont désormais l’obligation d’aller moins vite pour moins polluer et de consommer moins de carburant. Résultat, l’escale de Saint-Martin est souvent abandonnée au profit de la destination finale, là où les commandes sont plus importantes, la Guyane ou la Guadeloupe. Ce à quoi s’ajoutent des restrictions conjoncturelles telles les restrictions d’importation des œufs (due à la grippe aviaire) ou des tensions d’approvisionnement dues, par exemple, à la guerre en Ukraine… Ces impacts, même éphémères et limités, sur les rayons des supermarchés saint-martinois interrogent malgré tout sur nos besoins futurs en matière de filières locales de productions maraîchères et d’élevage.

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