La collectivité de Saint-Martin prévoit de “procéder avec méthode »

En juin 2022, la délégation de St-Martin rencontrait le conseiller Outre-mer François de Kerever. “Nous ne demandons pas la révision de notre statut, mais nous ne cherchons qu’à accroître nos compétences, telle l’environnement », explique Louis Mussington.|||
Mathieu Rached

Huit mois après avoir remporté les élections et installé le conseil territorial, nous avons rencontré Louis Mussington, président de la Collectivité territoriale. Entretien rythmé par les grands travaux, les enjeux immédiats et les rencontres ministérielles.

Texte Mathieu Rached

En matière d’aménagement du territoire, quelle est la vision de rénovation que vous souhaitez impulser dans les différents projets conduits par la Collectivité ? 

En matière de rénovation urbaine, mon équipe et moi-même avons choisi de procéder avec méthode. Il y a environ un mois de cela, une délégation composée d’élus, de parlementaires, de techniciens représentant les intérêts de la Collectivité de Saint-Martin s’est rendue à l’Élysée, au Ministère de l’Outre-Mer, est allée à la rencontre des personnalités et des organismes concernés par ces problématiques de rénovation urbaine – Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU), l’Agence Nationale pour Habitat (ANHA) – et de reconstruction, afin de leur exposer le principe d’un vaste programme pour Saint-Martin.

Quelques jours après, j’ai eu l’opportunité de m’adresser directement et solennellement au Ministre délégué à l’Outre-Mer et j’ai demandé l’inscription de ce projet de renouvellement urbain de Saint-Martin dans le prochain comité interministériel de l’Outre-Mer prévu en février 2023.

À l’issue de toutes ces rencontres, j’ai l’intime conviction que le Président de la République et le gouvernement sont décidés à employer une nouvelle méthode, selon le principe adopté par le Conseil National de la Refondation (CNR). Il semble que l’État serait disposé à confier aux acteurs eux-mêmes des territoires d’Outre-Mer, les marges d’actions nécessaires à l’invention de solutions sur mesure qui s’adossent sur les atouts et l’expérience de chaque territoire. Quel que soit le cas, mon équipe et moi-même nous employons déjà à rédiger rapidement notre feuille de route pour Saint-Martin en prenant soin de repenser les priorités.

travaux de la collectivité territoriale sous l'autorité de la Collectivité de Saint-Martin
Un enlèvement de BHU

On dénombre 1 300 fonctionnaires qui participent à l’administration du territoire, il est prévu de créer une cité administrative qui rassemblera tous les services de l’État en un seul lieu ? S’agit-il là d’une des priorités pour le territoire ?

Je ne suis pas en mesure de parler des projets concernant les services de l’État à Saint-Martin. Je peux vous dire par contre, qu’en effet, nous avons également pour projet la construction d’une cité administrative de la Collectivité qui regrouperait la majorité de ses services et que c’est une priorité pour le territoire. La Collectivité et son gouvernement local ont besoin de disposer d’un siège qui soit le lieu où sera hébergée toute l’administration territoriale. 

Quels sont les autres grands chantiers qui sont à l’étude ou qui démarreront au cours des prochains mois ? Quelles sont les principales contraintes liées à ces grands travaux, sont-elles d’ordre immobilière, réglementaire, financière… ? 

Parmi les grands chantiers qui démarreront dans les prochains mois, il y a l’abri para cyclonique et le centre Micro-folie de Concordia, également connu comme l’ancienne médiathèque, le collège 600 qui se trouvera au Quartier d’Orléans, l’aménagement du secteur de La Savane, le collège 900 également à La Savane, l’aménagement du Pôle touristique de Grand-Case, la mise en place d’un réseau d’éclairage public intelligent qui va prioriser les zones qui seront d’abord concernées, la réhabilitation du Stade Louis Vanterpool à Marigot, la transformation de l’ancien collège Soualiga en Cité des métiers et l’enlèvement des épaves de BHU (bateaux hors d’usage) qui jonchaient le fond du lagon de Simpson Bay, la construction du Centre de promotion de la culture et du patrimoine immatériel de Saint Martin, la remise à niveau bio-environnementale de la caserne des pompiers de La Savane, embellissement des zones touristiques et de l’image de notre destination mais également l’équipement TIC des services administratifs territoriaux. Je suis presque certain d’en avoir oublié. Mais je crois cependant avoir dit l’essentiel.

En 2020, nous avons dépassé le volume des impôts perçus en 2016 de 120 millions d’euros

Louis Mussington et la Collectivité de Saint-Martin
Au cours des prochains jours, les opérations de nettoyage devront préparer le territoire et peaufiner son image de marque. Ci-dessus, Louis Mussington avec l’équipe EME

Dans le cadre d’importants marchés publics (tels les travaux du collège Quartier d’Orléans lancés le 20 juillet ou ceux à venir du Collège 900), comment devra intervenir l’observatoire de la commande publique qui vient d’être créé ? 

Comme le prévoit le code de la Commande publique, cet observatoire est une instance de concertation et d’échanges d’informations entre les différents acteurs de la commande publique (opérateurs économiques, pouvoirs adjudicateurs, etc.) et contribue à la diffusion des bonnes pratiques. Il pourra produire des analyses thématiques tant qualitatives que quantitatives, publiera les résultats de ces analyses et les résultats de ses rapports statistiques. Il pourra également mettre en avant les impacts économiques, sociaux et environnementaux des marchés publics auprès des pouvoirs adjudicateurs, des opérateurs économiques, du Gouvernement territorial.

Pour chacun des grands travaux, avons-nous une idée de la part des montants qui pourraient être captés par les entreprises locales ? 

Je ne vous parlerais pas en terme de montant car il n’existe pas de tel calcul, mais je dirai que je suis aux commandes et que je travaille pour mon territoire, pour le développement des entreprises locales, et que je ne saurai accepter que pour chacun de ces grands travaux elles ne se voient attribuer une part significative des montants qui sont associés à ces grands projets.

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Pouvez-vous citer un aménagement qui vous semble particulièrement clé pour l’avenir de Saint Martin ? 

Je citerais évidemment et spontanément l’allongement de la piste de l’aéroport, le développement des infrastructures pour l’aviation d’affaires ou encore bien entendu l’aménagement de la gare maritime comme du Port de Galisbay qui sont particulièrement vitaux. Ce sont bien les deux poumons économiques de ce territoire.

Lors de la visite du ministre Jean-François Carenco, vous avez souligné “le civisme fiscal remarquable en 2020 et en 2021 de la part des habitants de Saint-Martin”, pouvez-vous détailler ce constat ?

Je suis au regret de ne pouvoir répondre avec précision. Il me faudrait consulter le Trésorier payeur. Je sais, par exemple, qu’en 2020, nous avons dépassé le volume des impôts perçus en 2016 de 120 millions d’euros. Cela traduit deux choses : la relance encourageante de l’économie du territoire et un civisme fiscal accru de la part des saint-martinois. 

La première édition des assises de l’économie bleue s’est tenue le 7 novembre lundi à l’Hôtel Beach Club à Grand-Case. Que doit-on en retenir ? Quelles perspectives et quelle stratégie mériteraient d’être mises en œuvre à l’échelle de Saint-Martin ? 

C’est la toute première initiative dans ce domaine et son objectif principal était de faciliter la co-construction d’une stratégie de l’économie bleue de Saint-Martin. 

L’intention poursuivie, c’est de mettre en valeur les métiers de la mer et les secteurs interdépendants, qu’ils soient déjà établis ou qu’ils soient émergents à fort potentiel. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’en se faisant, il est d’abord question de développer l’emploi local.

Pour l’heure il est peut-être prématuré pour moi de dire avec précision quelles seraient les perspectives et la stratégie qui mériteraient d’être mises en œuvre. Nous nous faisons accompagner par un cabinet-conseil (BRL) dont les premières conclusions seront certainement disponibles et me permettront alors de répondre avec plus de précision. 

L’objectif de ces assises était de faire émerger des sources nouvelles d’emploi pour nos jeunes, dans un secteur à fort potentiel. Ces assises avaient également pour objet de faire ressortir l’importance de préserver nos écosystèmes côtiers et marins et notre biodiversité.

À l’issue de votre rencontre avec Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, en septembre dans le cadre de l’appel de Fort-de-France, quel est selon vous le sujet le plus à même d’évoluer au cours des prochains mois ? Et quel est le point qui, pour vous, aurait le plus d’impact pour le territoire et les habitants de Saint-Martin ?

La question essentielle, la préoccupation centrale lors de cette rencontre était celle de l’évolution institutionnelle. Saint-Martin a tiré profit de la révision constitutionnelle du 23 mars 2003 qui réformait les institutions. Elle permet, au regard de la nouvelle rédaction de l’article 74 de la Constitution, qui consacre le principe de spécialité législative et d’autonomie, que Saison touristique, et pour un statut fixé par une loi organique qui tient compte de ses intérêts propres au sein de la République.

Aujourd’hui, les autres collectivités d’outre-mer se cherchent et demandent une révision de leur statut respectif. Ce phénomène, en soi, n’a pas d’impact sur Saint-Martin. Nous ne demandons pas la révision de notre statut. Nous ne cherchons qu’à accroître nos compétences – tel l’environnement – à concrétiser certaines dispositions telle que celle qui dispose « que la République garantit l’autonomie de Saint-Martin et le respect des intérêts propres, en tenant compte de ses spécificités géographiques, historiques et culturelles ».

Cela étant, je reste solidaire de la demande qui émane des autres territoires ultramarins qu’elle qu’en soit la particularité.

Collectivité de Saint-Martin
Lors de la visite de Jean-François Carenco, le président a souligné « le civisme fiscal remarquable » des Saint-Martinois

Quels sont vos espoirs et votre vision pour Saint-Martin à l’échelle de quelques années ? Et quels sont vos combats dès aujourd’hui ?

Je suis un fervent convaincu des potentialités de développement de Saint-Martin. Nous avons quelques dossiers conséquents sur lesquels nous devons travailler mais je suis convaincu que nous y arriverons. Je pense notamment à celui de la jeunesse et du chômage qui la frappe durement.

Mes combats aujourd’hui sont mes combats de toujours. Je suis animé de la même passion. Les temps ont changé, les gouvernements ont changé, de nouveaux dispositifs ont été inventés et mis en application par les uns et par les autres mais les problématiques spécifiques à Saint-Martin sont les mêmes. La question saint-martinoise reste intacte. Ce qui m’importe, c’est de veiller à ce que finalement Saint-Martin soit doté d’un vêtement qui lui aille, qui lui sied.

Pouvez-vous citer un élément de la vie urbaine à Saint-Martin qui pourrait être rapidement amélioré, qui aurait un impact immédiat sur les Saint-Martinois et la représentation qu’ils ont de leur île ? 

Immédiatement ? Le nettoyage du territoire, le nettoyage du lagon. Calendrier oblige, dans les jours prochains, les actions d’embellissement du territoire, des zones touristiques particulièrement et le fait de peaufiner l’image de notre destination Saint-Martin sont des étapes à ne pas négliger qui vont déterminer le succès de la saison touristique et l’envie de réussir les suivantes.

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