Carrière d’Ultramarin : “J’ai parfois ressenti une pression supplémentaire”
Depuis 16 numéros, la rédaction se penche chaque mois sur des carrières d’ultramarins susceptibles d’inspirer et d’encourager les nouvelles générations. Pour ce dernier épisode, rencontre avec la Guadeloupéenne, Eva François. Enfant, elle rêvait d’être pédiatre. Aujourd’hui, elle est experte en mégadonnées chez Meta, à Londres.
Propos recueillis par Karollyne Videira Hubert
Selon une étude de l’INSEE (2023) à peine un quart (24 %) des emplois dans les professions du numérique est occupé par des femmes. Comment avez-vous fait pour trouver votre place dans ce marché ? En tant qu’originaire des Outre-mer, avez-vous ressenti une pression plus perceptible pendant votre parcours ?
La sous-représentation des femmes dans les professions du numérique est indéniable, mais j’ai toujours cru en la valeur de la diversité dans le domaine de la tech. J’ai eu la chance de commencer ma carrière dans une entreprise qui accorde une grande importance à la diversité et à l’inclusion dans sa culture d’entreprise. Ce qui m’a permis de trouver ma place dans le marché du numérique, c’est ma persévérance et ma détermination à ne pas abandonner face à l’échec. En effet, j’ai passé deux fois les concours d’entrée avant d’être admise à HEC Paris. De même, suite à un refus initial pour intégrer l’École polytechnique, je n’ai pas abandonné et ai finalement été acceptée lors de ma deuxième candidature. Parallèlement, tout au long de mon parcours académique, j’ai mis l’accent sur le développement de compétences techniques solides, afin de me positionner en tant que professionnelle compétente.
Maintenir ma place chez Meta nécessite au quotidien une flexibilité et une adaptabilité constantes. Le numérique évolue rapidement, et rester pertinent exige une volonté constante d’apprendre et de s’adapter. En tant qu’enfant ultramarin, j’ai parfois ressenti une pression supplémentaire à devoir m’adapter aux codes et normes établis. Cependant, cette expérience a renforcé ma détermination à être une source d’inspiration pour d’autres, démontrant que les professionnels issus des Outre-mer peuvent exceller dans des domaines aussi exigeants que les professions du numérique.
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Vous êtes enseignante à DataBird, spécialiste de la formation en Data analyse, pourriez-vous parler de cette expérience ?
Avant de commencer mon premier CDI chez Meta, j’ai eu l’opportunité d’enseigner des cours de Data Science – le processus de transformation des données en connaissances exploitables – à une classe de 20 élèves. J’étais motivée par l’envie de transmettre les connaissances et compétences que j’avais acquises à l’École polytechnique. Cet épisode d’enseignement a été incroyablement enrichissant, tant sur le plan professionnel que personnel. Enseigner la Data Science a été une phase préparatoire importante pour mon poste actuel chez Meta. En tant que jeune enseignante, j’ai trouvé que le fait d’avoir acquis récemment les connaissances que j’enseignais était un atout plutôt qu’un obstacle. Étant donné que je suis moi-même passée par une phase d’apprentissage quelques mois auparavant, j’étais plus apte à comprendre les difficultés auxquelles mes étudiants étaient confrontés ainsi qu’à me mettre à leur place. Dans le domaine numérique, je crois que la crédibilité ne dépend pas seulement de l’expérience, car la technicité joue un rôle tout aussi crucial. En tout cas, il a été plutôt facile pour moi de créer des liens avec mes élèves. Tout est question d’établir une communication ouverte et de montrer un vrai intérêt pour ce qu’ils apprennent et comment ils se sentent.
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BIO EXPRESS
Après une enfance passée en Guadeloupe, Eva François quitte son île pour s’installer à Paris à l’âge de 16 ans. Après trois ans de classes préparatoires, elle intègre HEC Paris, et se spécialise en Data Science avec un double diplôme de la prestigieuse École polytechnique. En 2022, son stage de fin d’études chez Meta (FaceBook, Instagram, etc.) se transforme en CDI, la poussant à déménager à Londres. Chez Meta, elle exerce en tant que « Data Scientist » depuis près de deux ans, au sein du département « Intégrité », concentré sur la réduction des mauvaises expériences sur les plateformes telles que Facebook, Messenger et Instagram. Aujourd’hui, Eva pratique le télétravail pour le bureau londonien de Meta depuis Lille, effectuant des déplacements réguliers à Londres. |