Bâtiments : l’enjeu de la performance énergétique
« Entraîner la société dans la transition écologique et énergétique ». Si la responsabilité est sans aucun doute collective, l’ADEME en a fait sa mission première.
D’échelle nationale, cet opérateur clef de l’État, implanté en Martinique, dispose pour cela de programmes d’accompagnement, de conseil, et d’aides financières pour mener à bien la « mutation environnementale de la Martinique ». Vaste programme qui intéresse autant les transports, la production, le stockage et l’utilisation de l’énergie, ou encore la rénovation thermique des bâtiments. A ce titre, leur action s’incarne de différentes manières auprès des acteurs locaux, à travers par exemple l’accompagnement « performance énergétique » pour des bâtiments neufs. Mais, une fois construits, ces bâtiments tiennent-ils leur promesse, sont-ils véritablement moins énergivores ? Une étude inédite a été menée par Agathe Camboly (ADEME) et Jérôme Strobel (OC2 Consultants) auprès de huit de ces bâtiments « exemplaires », afin d’évaluer leur niveau de performance réelle. Un retour d’expérience qui va servir aux bureaux d’études ainsi qu’aux maîtres d’ouvrage pour mieux concevoir et réaliser des bâtiments modernes, économes, adaptés et confortables, et amorcer ainsi le chemin de la « transition énergétique » qui engage la Martinique et la France depuis le vote de la loi du 17 août 2015.
En quoi consiste votre étude ?
Agathe Camboly : Il s’agissait de réaliser un audit qui comprenait un volet « analyse de l’enveloppe » (toiture, façade, isolation, brise-soleil etc.) et un volet « instrumentation des bâtiments » c’est-à-dire la mesure des températures à l’intérieur des salles, du niveau d’hygrométrie (le degré d’humidité de l’air). À cela s’ajoutaient des mesures pour identifier les différents postes de consommation : climatisation, lumière, ventilation. L’ensemble de ces évaluations a permis d’établir et de mesurer aussi bien l’efficacité des mesures prises en matière de performance énergétique du bâtiment qu’en matière du confort ressenti par les usagers.
Quels enseignements avez-vous pu tirer de ce suivi de terrain ?
Jérôme Strobel : Pas mal de choses nécessitent d’être mieux anticipées et suivies. Par exemple nous avons constaté que des bâtiments conçus avec une ventilation naturelle se trouvent mal orientés pour permettre à la ventilation naturelle d’être optimale et de refroidir le bâtiment comme prévu. Dans d’autres bâtiments, on s’est aperçu que les climatisations pouvaient être surdimensionnées par rapport à la taille des salles et qu’il aurait par exemple mieux valu protéger les façades pour réduire la température à l’intérieur. D’autres encore, pour lesquels l’éclairage à déclenchement automatique n’est pas adapté et se déclenche trop (aucune économie) ou trop peu (perturbant le confort des usagers)…
Comment expliquer ces ratés ?
J.C : Il y a, à chaque fois, plusieurs explications. Un des enseignements conduit à regretter un manque de coordination entre le bureau d’étude thermique et l’architecte par exemple pour affiner les solutions sur-mesure. L’autre enseignement majeur consiste sans doute à prendre en compte la formation des usagers pour comprendre cette approche de « bâtiment performant » et pour leur expliquer son fonctionnement.
A qui ces résultats vont-ils servir ?
A.C : A l’ensemble des acteurs de la construction qui s’inscrivent dans une dynamique de performance énergétique. Nos équipes sont les premières concernées puisque nous avons une mission d’accompagnement des projets de « construction performante ». Les bureaux d’études et maîtres d’œuvre sont également directement intéressés par cet état des lieux qui dessine les points d’amélioration, les forces et les faiblesses des projets étudiés et réalisés.
J.S : Ces mesures nous ont donné des enseignements et nous souhaitons les comparer avec des bâtiments plus classiques pour estimer l’impact et l’utilité d’une conception performante des bâtiments, en terme de dépenses énergétiques et de confort des usagers.
En découvrant vos résultats, on se rend compte que les meilleures intentions et les meilleurs matériaux ne suffisent pas…
J.S : Absolument, l’appropriation du bâtiment et de son fonctionnement par les usagers est un des points clé et un aspect qui ne peut être laissé de côté. Une mauvaise compréhension des technologies disponibles en matière de climatisation ou d’éclairage engendre de la frustration au sein des usagers et des comportements contre productifs, par exemple des fenêtres entrouvertes pendant que la climatisation est en marche, des portes d’entrée bloquées et maintenues ouvertes pour faciliter un courant d’air… Autant de choses qui ont été pensées en amont mais qui se heurtent à la pratique.
Il faudrait donc de nouvelles technologies et de nouvelles solutions techniques ?
J.S : Pas forcément. Il est important que les systèmes complexes et élaborés qui doivent répondre à ces problématiques soient juste bien gérés, bien expliqués et suivis par des personnes dédiées dans chaque bâtiment. L’humain sera la clé pour tirer profit de cette optimisation énergétique des constructions neuves.
Astuce
« Un geste simple et méconnu consiste à aérer une dizaines de minutes chaque matin l’espace de travail avant d’allumer la climatisation. Cela permet de chasser l’air chaud emmagasiné la nuit dans le bâtiment et ainsi de renouveler la qualité de l’air, pour plus de confort et une meilleure efficacité du système de climatisation. » Jérôme Strobel.
Appel à projets 2019 :
Rénovation du parc immobilier de Martinique
Pour la troisième année consécutive, le Programme Territorial de Maîtrise de l’Energie propose un appel à projets annuel portant sur la rénovation du parc immobilier de Martinique, pour accompagner les maîtres d’ouvrages dans leurs démarches de rénovation. L’objectif est d’accompagner techniquement et financièrement les rénovations les plus ambitieuses, afin de créer un réseau d’acteurs mobilisés autour de la thématique de l’efficacité énergétique des bâtiments en Martinique.
Date limite de dépôt des candidatures :
Vendredi 14 Juin 2019 à 12h.