Au GPMLM, l’avenir s’écrit en vert et bleu

Allier performance logistique, développement industriel et transition écologique, tel est le cap fixé par Bruno Mencé, récemment nommé président du Directoire du Grand port maritime de la Martinique (GPMLM). Nous avons rencontré ses équipes.

Jean-Albert Coopmann
Floriane Jean-Gilles

Le GPMLM aujourd’hui

Le Grand port maritime de la Martinique traite 98% du trafic de marchandises sur le territoire, soit 187 252 conteneurs EVP en 2023 représentant un peu plus de 1 million de tonne de marchandises diverses. Lorsque l’on s’interroge sur ce que cela représente en termes d’énergie, c’est Kelli Mamadou, chef du service développement durable et innovation du Grand port maritime de Martinique qui nous répond :
« Le port consomme près de 7 GWh d’électricité par an. Les deux tiers (4,5 GWh) sont consommés sur le terminal à conteneurs de la Pointe des Grives. Vient ensuite la gare inter-îles sur le quai ouest avec 960 MWh, puis le secteur de l’hydrobase pour 740 MWh, à l’est du port. Le quai des Tourelles, au centre, qui reçoit le trafic touristique de croisière, ne représente que 280 MWh de la consommation annuelle. Ces quatre secteurs constituent les plus gros pôles de dépense énergétique du port ».

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Vers un terminal bas carbone

Si le terminal de croisière des Tourelles est si peu énergivore cela tient à sa conception qui privilégie la ventilation naturelle par brasseurs d’air à la climatisation. Le GPMLM affiche clairement ici une ambition de sobriété énergétique et de réduction de l’empreinte carbone qui tient au cœur de son projet stratégique depuis 2020.
« Notre stratégie repose sur plusieurs axes », poursuit Kelli Mamadou, « la réduction de la consommation d’électricité en est un, par le biais de la conception de bâtiments moins gourmands en énergie, la réduction du recours à la climatisation et la modernisation de l’éclairage avec des LED, un investissement de 500 000 € qui a permis de réduire la consommation d’électricité de 200 MWh sur le terminal. Nous avons entrepris ce même travail de modernisation de l’éclairage sur le terminal à conteneurs. Transformer notre mix énergétique constitue l’autre volet de notre stratégie à long terme, l’objectif est d’avoir davantage recours à des énergies renouvelables pour réduire notre consommation d’énergie carbonée (pétrole brut). Pour atteindre cet objectif, nous équipons le terminal à conteneurs de la Pointe des Grives de panneaux solaires et de batteries de stockage d’électricité qui permettront de produire 2 GWh d’électricité par an, soit 46 % de notre consommation annuelle actuelle. Les panneaux photovoltaïques seront installés en ombrières de parking et sur les toitures ; le début des travaux est prévu en septembre 2024. Nous dupliquerons, par la suite, ces installations à l’ensemble des terminaux. Dans la mesure où le quai des Tourelles consomme peu et qu’il dispose d’une surface importante pour l’installation des panneaux solaires, le surplus d’électricité produite sera réinjecté sur le réseau. Aujourd’hui, les émissions carbone liées à l’activité énergétique du port représentent 5 900 tonnes de CO2, la part de la consommation de carburant est marginale, moins de 2 %, et est surtout due au transport routier. Notre objectif est de diviser ces émissions par 2 à l’horizon 2025 ».

La prochaine étape, nous confie Kelli Mamadou, est le déploiement à grande échelle de solaire flottant, expérimenté sur une petite surface au large de Marseille par une start-up française ; un projet avant-gardiste et une véritable prouesse technique, compte tenu des risques cyclonique et de la gestion de la houle, qui permettrait d’attendre 0 émission carbone à l’horizon 2035.

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Au GPMLM, on s’efforce de répondre aux enjeux climatiques et environnementaux

Le corolaire de la réduction des émissions de gaz à effet de serre est l’amélioration de la qualité de l’air pour laquelle le GPMLM mène 3 actions.

« Il s’agit tout d’abord de mesurer, chaque année, la qualité de l’air sur l’ensemble des sites du Grand port », nous explique Kelli Mamadou, dans le cadre d’un partenariat avec Madininair.
« Nous avons pu identifier deux zones sensibles sur lesquelles nous avons installé des micro-capteurs afin de suivre la qualité de l’air de façon continue. La 3e action consiste à dresser l’inventaire des émissions strictement liées à l’activité du port, contrairement à la mesure de la qualité de l’air qui inclut les activités extérieures au site. Cela inclut les émissions des navires, quand ils sont en approche, en manœuvre et à quai. L’inventaire de ces données, sur plusieurs années consécutives permet de cibler les navires qui ont le plus d’impact. L’une des solutions que nous avons identifiées pour réduire l’empreinte carbone de ces navires consiste à les connecter au réseau électrique, particulièrement sur le terminal à conteneurs. Toutefois la réglementation européenne en la matière n’est pas suffisamment incitative pour que les armateurs se connectent à quai. Il faudra attendre encore quelques années pour y parvenir. Nous menons, cependant, des études de faisabilité à plus petite échelle pour le nouveau navire Le Marin, sur le secteur de l’hydrobase et pour un petit navire de croisière au quai des Annexes ».

Si cette dynamique s’inscrit dans une démarche de résilience face aux enjeux environnementaux, les nouvelles infrastructures du Grand port maritime de la Martinique, associée à la préservation de la biodiversité, participent aussi à l’émergence d’un port vert, pionnier dans la région.

 

Grand port maritime de la Martinique
www.martinique.port.fr
0596 59 00 00

GPMLM
Jean-Albert Coopmann

Au GPMLM, une stratégie en 4 axes

« Le Grand port maritime de la Martinique est un poumon économique au service de notre territoire. Il est de ma responsabilité d’établir une stratégie à la fois respectueuse des hommes et des grands enjeux climatiques, tout en garantissant la fiabilité économique de l’écosystème portuaire. Nous misons sur cette stratégie et investissons massivement, preuve de notre engagement, pour faire du GPMLM un port vert au sens le plus noble du terme. » Ainsi s’engage Bruno Mencé, président du Directoire du GPMLM, qui nous détaille quelques points de la stratégie qui sera présentée pour approbation aux instances de gouvernance en début d’année prochaine :

1/ Miser sur la performance logistique
« L’objectif est d’assurer une meilleure productivité du terminal marchandises. Début 2025, le terminal sera équipé de portiques plus modernes et plus performants afin d’améliorer cette performance logistique, cœur de métier du port. Ils permettront, entre autres, de traiter plus rapidement, de plus gros bateaux (7900 TEU), avec une plus grande disponibilité des quais. Nos partenaires investissent eux aussi dans des équipements plus performants pour améliorer la compétitivité du terminal. Ces investissements, combinés à une meilleure gestion des données liées à l’activité logistique du port, permettront d’accroître la fluidité des opérations. »

2/ Assurer le développement industriel
« Le port a vocation à développer l’interland, c’est-à-dire la zone située à l’arrière immédiat du port. De nouvelles activités devraient voir le jour, ce qui permettra de traiter la marchandise directement sur le port. Pour cela, l’implantation d’un poste de contrôle aux frontières agréé aux normes européennes dans le terminal permettra de réaliser les contrôles à l’importation et à l’exportation des végétaux et animaux vers l’Europe, et ainsi de créer de nouveaux emplois localement. La création du Hub Antilles permettra également de générer plus d’activités et d’assurer ces objectifs de croissance interne (en passant de 187 000 à plus de 270 000 conteneurs EVP d’ici cinq ans dont 100 000 en transbordement). »

3/ Accompagner les filières de l’économie bleue
« J’entends par là, développer les activités localement, en capitalisant sur l’écosystème qui gravite autour du port, écoles de pilotage et écoles maritimes par exemple, mais aussi en soutenant de nouvelles filières. Nous disposons pour cela d’un outil privilégié : le bassin de Radoub. »

4/ Investir pour la transition écologique
« N’ayons pas peur d’être inventif et innovant, il ne faut rien s’interdire pour créer et produire de l’énergie propre, développer le port en harmonie avec son environnement maritime et être à l’avant-garde sur ces questions
écologiques. »

GPMLM
Jean-Albert Coopmann

3 questions à Aymeric Barlet, responsable Industrie et Énergie du Grand port maritime de la Martinique (GPMLM)

Le projet Hub Caraïbes va entraîner une expansion significative du Grand port Maritime, comment concilier ce chantier avec votre engagement pour la préservation de la biodiversité ?

Nous travaillons principalement sur deux volets : la sauvegarde des coraux et la préservation des cétacés. Dans le cadre des travaux d’extension de la Pointe des Grives, nous avons bénéficié d’un arrêté qui porte dérogation pour la manipulation et le déplacement d’espèces coralliennes protégées, notamment sur la digue nord. Cela fait partie des mesures compensatoires prévues dans notre dossier de dérogation dont le but est de sauver ces colonies et favoriser leur développement.

Sur le volet « étude des cétacés », en quoi consiste votre partenariat avec Aquasearch ?

Puisque le quai sera allongé afin de permettre à deux navires d’accoster en même temps, des pieux vont être battus. Cette opération est très bruyante. Nous avons donc mis en place un protocole avec Aquasearch afin de limiter ces perturbations sonores pour les cétacés. Des observateurs sont présents dans la baie pour repérer la présence de mammifères marins. Si aucun cétacé n’est détecté aux alentours, nous effectuons le battage de manière progressive pour que le niveau sonore augmente, lui aussi, progressivement. Le bruit sous-marin est également atténué par la mise en place d’un rideau de bulles. En parallèle, nous menons une étude sur la présence des cétacés dans la baie afin d’établir une cartographie acoustique. L’analyse des vocalises des cétacés est précieuse pour mieux comprendre leur comportement. Cela permettra, à terme, de mieux orienter le trafic maritime pour limiter l’impact sur ces mammifères. Nous avons d’ailleurs étendu ces travaux de recherches à la baie de Saint-Pierre.

Au-delà des mesures compensatoires, comment inscrire ces actions sur le long terme ?

Nous avons signé des conventions de partenariat avec le CRNS et le laboratoire PHEEAC* car notre ambition est de capitaliser scientifiquement sur nos actions. Jean-Philippe Maréchal, chercheur biologiste marin, nous accompagne dans cette démarche. Il s’agit à la fois d’évaluer les mesures mises en place et de mener des analyses sur les coraux afin de créer une littérature scientifique. Il est également prévu d’entreprendre des travaux de bouturages et de micro-fragmentations au sein d’un laboratoire. La participation financière du GPMLM à ses programmes de recherche pluriannuels s’élève à 115 000 € pour le CNRS et plus de 300 000 € pour Aquasearch, avec un cofinancement de 22 000 € par l’OFB (Office français de la biodiversité). L’autre projet d’envergure que nous avons engagé vise à analyser la vulnérabilité au changement climatique et établir la stratégie de résilience du Grand port maritime de la Martinique. C’est le bureau d’études Artelia qui conduit cette étude sur les infrastructures portuaires et les interactions entre le port et l’île. Nous souhaitons, par ailleurs, compléter nos connaissances sur la qualité de l’eau, des sédiments et de la biodiversité dans la circonscription du port pour aboutir à un état des lieux exhaustif. Ceci permettra notamment de mieux connaître les espèces non indigènes marines et mettre en place une stratégie de lutte.

* PHEEAC : Pouvoir, histoire, esclavage, environnement, Atlantique, Caraïbe