Archéologie : anatomie d’un territoire

Fouille au collège de Pointe-à-Pitre.|||
Claire Jacques

Parce qu’elle doit s’intégrer dans un projet d’aménagement, l’archéologie préventive souffre parfois d’une image négative. Pourtant, cette discipline est nécessaire à la protection et à la connaissance du patrimoine archéologique. Entretien avec le conservateur régional, Jean-François Modat sur les missions du Service régional archéologie (SRA) de la DAC*.

Texte Claire Jacques – Photo Lou Denim et DAC

Tout aménageur public ou privé peut, avant le processus d’autorisation d’urbanisme, solliciter le SRA pour vérifier la sensibilité archéologique d’un terrain.

Jean-François Modat, conservateur régional de la DAC de Guadeloupe et des Îles du Nord

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Jean-François Modat, conservateur régional de la DAC de Guadeloupe et des Îles du Nord – Credit Photo Lou Denim

Les journées européennes de l’archéologie (14, 15 et 16 juin) sont l’occasion de valoriser cette science et de mettre en lumière les missions du Service régional archéologie (SRA). Quel est son rôle ?

Jean-François Modat : Sa mission première est la conservation, l’étude et la valorisation du patrimoine archéologique de la Guadeloupe. Elle repose sur le code du patrimoine qui permet aux services déconcentrés du ministère de la Culture de contribuer au développement du territoire en conciliant protection du patrimoine et aménagement, d’impulser des projets de recherche et de conserver les données scientifiques de l’archéologie.

Le dispositif d’archéologie préventive permet, dès réception par le SRA des demandes d’autorisation d’urbanisme, de vérifier si un projet d’aménagement est susceptible de porter atteinte au patrimoine archéologique enfoui ou en élévation, au vu des connaissances acquises. Ces dernières sont enregistrées dans la carte archéologique nationale qui référence plus de 4 000 entités archéologiques en Guadeloupe et dans les îles du Nord, regroupant les données relatives aux occupations amérindiennes, modernes et contemporaines.

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Que se passe-t-il lorsqu’un projet d’aménagement présente un risque pour le patrimoine ?

Le Service régional de l’archéologie de la Direction des affaires culturelles émet une prescription d’archéologie préventive (diagnostic, fouille). Les diagnostics sont confiés à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), établissement public, placé sous les tutelles conjointes des ministères de la Culture et de la Recherche. Il réalise le diagnostic pour vérifier la présence de vestiges en élévation ou enfouis et collecter les données. Un rapport final d’opération est produit pour localiser, interpréter et dater ces vestiges, ce qui peut amener à émettre une prescription complémentaire de fouille selon l’intérêt scientifique.

Le dispositif d’archéologie préventive est souvent accusé de retarder les projets d’aménagement. Qu’en est-il vraiment ?

Le législateur a prévu d’anticiper le processus classique d’autorisation d’urbanisme grâce aux consultations préalables qui permet à un aménageur de vérifier la sensibilité archéologique d’un terrain et à la demande anticipée de prescription qui peut être formulée en suivant. Tout aménageur peut donc, bien en amont des autorisations d’urbanisme, consulter le SRA pour vérifier si son projet est susceptible d’édicter une prescription d’archéologie préventive.

Si en Hexagone, le dispositif d’archéologie préventive est bien rôdé, un travail de pédagogie et d’accompagnement est encore nécessaire en Guadeloupe. Connu par la plupart des grands aménageurs privés comme publics, ce dispositif reste assez mal maîtrisé par les « petits » aménageurs.

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Diagnostic Sainte-Rose La Ramée

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Quel message souhaitez-vous faire passer ?

Les journées européennes de l’archéologie permettent de sensibiliser un plus large public à cette discipline et à la conservation du patrimoine archéologique. L’archéologie est une science humaine qui mobilise en transversalité nombre de compétences et d’expertises, qui relie le territoire et ses habitants à leur histoire, à leur passé. Elle aborde les aspects mémoriels, patrimoniaux, architecturaux et environnementaux et lui confère un caractère social et sociétal constructif et fédérateur pour toutes les cultures passées, présentes et à venir.

 *Direction des affaires culturelles de Guadeloupe et des Îles du Nord (DAC)

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Anne Richier, directrice adjointe en charge des Antilles à lInrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) – Credit Photo Lou Denim

3 QUESTIONS À
Anne Richier, directrice adjointe en charge des Antilles à lInrap (Institut national de recherches archéologiques préventives)
Quelles sont les missions de l’Inrap ?
L’Inrap est un institut national qui a une triple mission : il est opérateur pour les diagnostics et fouilles d’archéologie préventive, il assure l’exploitation et la diffusion scientifique des résultats et concourt à la valorisation, la diffusion culturelle et l’enseignement de l’archéologie. Le centre archéologique des Antilles est installé à Gourbeyre en Guadeloupe, où une équipe d’une dizaine d’archéologues travaille sur la Guadeloupe, les îles du Nord et la Martinique.
Comment intervenez-vous à la demande du SRA ?
Lorsque le SRA émet un arrêté de prescription de diagnostic archéologique dans le cadre du processus d’archéologie préventive, une équipe se rend sur le site pour déterminer s’il renferme des éléments du patrimoine archéologique (sondages mécaniques, prospection). À l’issue de l’intervention, opérée sur un temps réduit, l’Inrap a 3 mois pour émettre un rapport de diagnostic permettant à l’État de prendre une décision.
Soit il n’y a pas de vestiges significatifs et le risque archéologique est levé, l’aménageur est alors autorisé à entreprendre ses travaux. Soit il y en a et l’État décide de l’intérêt ou pas de prescrire une fouille.
D’abord le diagnostic, puis une fouille, et après ?
Une fouille va permettre de mieux caractériser les vestiges (murs, sols, fosses, sépultures, etc), les étudier et les dater. Le mobilier est emmené dans nos bases de travail de Gourbeyre ou de Saint-Martin pour y être nettoyé. Après inventaire, les vestiges mobiliers sont répartis entre les collègues spécialistes qui vont en faire l’étude. Aux Antilles, tous les archéologues ont en effet une double casquette. Ils sont spécialistes en céramique moderne et contemporaine ou amérindienne, en métal et archéologie militaire, faune, malacofaune (coquillages), archéo-anthropologie, technologie lithique (étude des outils de pierre), archéologie subaquatique ou encore topographie.

Une vingtaine de diagnostics par an
Depuis le début de l’année, 7 diagnostics ont été menés à Capesterre-Belle-Eau, aux Abymes et à Saint-Barthélemy. En moyenne, L’Inrap réalise une vingtaine de diagnostics par an sur le territoire guadeloupéen.
4 interventions de fouilles ont également été réalisées depuis le mois de février :
– À Baillif, des mobiliers amérindiens (céramiques, verre, coquillages consommés ou travaillés, etc) et 2 sépultures ont été découverts.
– À Saint-Barthélemy, dans le secteur de Lorient, un espace de vie amérindien, daté des phases parmi les plus anciennes, a été identifié avec la découverte de coquillages consommés et travaillés.
– À Gustavia, sur le quai Rockfeller, ont été découverts des mobiliers du 19e siècle en lien avec l’occupation suédoise et les aménagements du bord de mer.
– À Fort Gustaf, des éléments de bâti, des boutons militaires et éléments d’armement vont permettre de documenter la première construction française qui date du 18e siècle, les modifications suédoises, l’occupation anglaise puis de nouveau l’occupation française.

Vous avez rendez-vous avec votre histoire !
Les Journées européennes de l’archéologie sont pilotées par l’Inrap sous l’égide du ministère de la Culture.  Elles se dérouleront les 14, 15 et 16 juin 2024. 
Passionnés d’histoire ou simples curieux, en famille ou avec sa classe, venez découvrir les coulisses du patrimoine et de la recherche archéologique. Retrouvez toutes les manifestations sur https://journees-archeologie.fr/c-2024/accueil

Plus d’infos :
DAC-SRA Guadeloupe
Inrap