Anaïs Javitary, JE VOUE MA VIE AUX AUTRES

Anaïs Javitary reconnaît : « l’écriture m’a sauvée. » Introvertie et travailleuse, la fondatrice de l’association Et si on lisait écrit sur ses fragilités sous le pseudonyme de Fleur d’anis. Au grand jour, elle aide les personnes fragilisées. Assistante de service social, la jeune femme de 28 ans se montre convaincue : l’aide à la personne est sa vocation.

« J’ai mon livre préféré entre les mains, Le prophète, de Khalil Gibran. Chaque page traite de différents aspects de la vie, avec une écriture poétique qui m’emporte. » Anais Javitary © Jean-Albert Coopmann
Muriel Erdual

Anaïs Javitary a saisi sa plume et pris son envol.

Anaïs Javitary reconnaît : « l’écriture m’a sauvée. » Introvertie et travailleuse, la fondatrice de l’association Et si on lisait écrit sur ses fragilités sous le pseudonyme de Fleur d’anis. Au grand jour, elle aide les personnes fragilisées. Assistante de service social, la jeune femme de 28 ans se montre convaincue : l’aide à la personne est sa vocation. Elle a connu la galère à l’âge de 11 ans. De son adolescence perturbée, elle puise sa force et son altruisme.

Mère de sa mère

Fille unique d’une famille monoparentale vivant à Dreux (Eure-et-Loire), Anaïs Javitary est devenue la mère de sa propre mère, tombée gravement en dépression à la perte brutale de son emploi de coiffeuse. La porte du salon qu’elles ont trouvée close a ouvert les vannes d’un flot de responsabilités qu’Anaïs a endossées prématurément.

Sa mère ne réussira jamais à se réinsérer professionnellement. Elle maintient malgré tout Anaïs en école privée. À 16 ans, Anaïs travaille pour compléter les maigres revenus des allocations et de la pension alimentaire que percevait le foyer. L’adolescente est employée d’une chaîne de restauration rapide. Elle fait le ménage dans une salle de sport dès 5 h du matin.

L’embarras des visites des huissiers, des factures non soldées, d’une carte de cantine impayée… elle connaît. Partager sa bourse d’étude avec sa mère, elle le fait. Sacrifier sa jeunesse, elle y consent. « Je maternais ma mère en la forçant à sortir. Je n’allais pas dans des fêtes. Je voulais l’aider pour qu’on s’en sorte » se souvient-elle sans regret.

Anaïs envisage de rejoindre son père cap-verdien installé au Luxembourg. Elle admire son parcours réussi d’autodidacte et d’entrepreneur dans le bâtiment. Il ignore ses souffrances : elle n’en confessera rien. Elle préfèrera rester soutenir sa mère. Elles sont fusionnelles, complices et passionnées d’athlétisme.

En classe de 3e, les assistantes sociales qu’elle rencontre l’inspirent. Après son Bac, elle intègre l’école l’ITES de Brest. Brillante, l’étudiante qui doutait d’elle-même obtient une note proche de la perfection à son mémoire.

Anaïs Javitary quitte le nid

En 2018, à 22 ans, elle quitte le nid maternel pour s’installer en Martinique, ignorant que sa mère mourra un an après. Elle révèle alors ces épreuves à son père mais coupe les liens avec sa famille luxembourgeoise, se sépare de son compagnon. Elle traverse une dépression, qui dure un an.

Suivie et accompagnée psychologiquement, elle parvient à surmonter son deuil. L’amour de sa mère de cœur, Clara, finira de la réparer. Elle trouve son travail actuel où elle s’épanouit en accompagnant des personnes en détresse. Équilibrée, la professionnelle sait se préserver : elle coupe son téléphone professionnel, pratique des activités physiques, s’occupe de son association, écrit, reste proche de la nature.

Aujourd’hui, Anaïs Javitary va plus loin dans la compréhension et l’accompagnement de l’être humain. Elle prépare une licence de psychologie à l’Université Jean-Jaurès à Toulouse par correspondance. Anaïs envisage d’ouvrir son propre cabinet de psychologue. Elle s’autorise à fonder une famille ; un nid qu’elle veut sécurisant et douillet.


Retrouvez cet article dans le hors-série Portraits Martinique n°2, édition 2024.