Aéroport de Grand Case : un lifting nécessaire mené à bien
L’aéroport de la partie française de l’île, porte d’entrée ou de sortie, joue un rôle majeur dans la vie économique et sociale du territoire. Si l’entretien et la réfection permanente sont le lot de toutes les infrastructures aéroportuaires, à Grand Case, la réflexion a été poussée un peu plus loin. Il en va de l’avenir de l’île et de la sécurité des vols. Le point avec Pascal Marcoux, directeur d’exploitation EDEIS,
en charge de la gestion de l’aéroport de Grand Case Espérance.
Propos recueillis par Ann Bouard – Photo Julien Alexandre
L’activité intense sur la piste, chaque nuit pendant plusieurs mois, a attisé la curiosité, parfois l’inquiétude. Cette activité nocturne était-elle normale ?
Nous devions engager des travaux et nous les avons réalisés de nuit tout simplement pour continuer à faire fonctionner normalement l’aéroport en journée. C’était d’ailleurs un vrai challenge à relever car, de 19h à 5h du matin de début avril à août, il y avait 50 personnes sur la piste et à 7h du matin l’aéroport était à nouveau fonctionnel. Les entreprises ont réussi à tenir le rythme, à respecter les délais et il n’y a pas eu un seul jour de fermeture, toutes les rotations prévues ont été assurées.
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En quoi consistaient ces travaux ?
Deux phases ont été entreprises, le resurfaçage de la piste et des parkings avions et le balisage lumineux. Le chantier de resurfaçage a nécessité l’installation d’une centrale de fabrication d’enrobés sur le site même de l’aéroport. Chaque nuit, les équipes rabotaient une longueur de piste d’environ 150 m, réalisaient le nouveau tapis d’enrobé et remettaient en place le marquage de la piste. Tout cela dans un délai de 8 heures. Au final, ce sont 57 000 m3 de rabotage, 14 500 tonnes d’enrobés et 2 900 m2 de marquage qui ont été réalisés.
Pour le balisage, il fallait le renouveler entièrement mais aussi l’améliorer. L’installation d’un système led permet aujourd’hui un meilleur éclairement de piste et une consommation d’énergie plus responsable avec une réduction d’environ 30 % de la consommation. L’objectif était aussi de réduire l’empreinte carbone de l’aéroport avec un système qui peut désormais être piloté depuis la tour de contrôle.
Ce chantier était-il une obligation ?
La piste avait plus de quinze ans, elle nécessitait une réfection. Mais nous avons tenu compte du retour d’expérience d’Irma et intégré dans le plan un volet sécurité civile. Après avoir échangé avec l’armée, la Préfecture, la Collectivité, il paraissait en effet indispensable, de renforcer la portance de la piste et des bretelles d’accès pour pouvoir accueillir des avions de tonnage plus important, comme le A400M, le plus gros avion militaire français existant.
Trois jours après Irma, l’aéroport était en capacité d’accueillir les avions militaires et pendant trois semaines il était le seul lien aérien de l’île. Maintenir cette fonction de protection des populations en cas de catastrophe naturelle grâce à une meilleure accessibilité des avions militaires était l’une des priorités et c’était aussi une mission d’intérêt public. Ce chantier permet d’autre part de conserver un haut niveau de sécurité pour les compagnies aériennes en garantissant l’intégrité de la piste et d’augmenter les capacités d’accueil de l’aéroport notamment avec l’agrandissement du parking pour les avions.
L’aéroport pourra donc accueillir plus d’avions ?
C’est l’objectif dans une perspective à cinq ans, mais cela doit passer auparavant par la création de parkings et surtout de hangars supplémentaires. En effet, pour accueillir une aviation d’affaires plus importante il faut que nous puissions offrir cette capacité. Juliana dispose de peu de hangars. À Grand Case nous avons la possibilité d’en créer à proximité de l’aéroport. L’objectif est de pérenniser l’activité actuelle, avec 4 parkings pour les ATR à poste, et d’ouvrir au développement de l’aviation privée. C’est l’un des enjeux économiques de l’aéroport. Un travail de fond est d’ores et déjà mené en ce sens.
Qui a financé cette première phase de travaux et pour quels montants ?
L’ensemble des travaux a été financé pour moitié par le groupe EDEIS, sur les fonds propres des actionnaires, car cela fait partie du contrat. Les 50 % restants ont été financés par des fonds FEDER. La totalité a représenté un investissement d’un peu plus de 9,8 millions d’euros pour deux mois de préparation et quatre mois effectifs de chantier.
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Quelle a été l’implication des entreprises locales dans ce chantier ?
Il y a eu 70 entreprises intervenantes, dont 45 entreprises locales et 25 entreprises régionales ou nationales. Pour certains aspects très techniques d’intervention, il n’y a pas les compétences requises sur les Antilles et il fallait faire appel à des entreprises de métropole. C’est le cas notamment de ADG Energy qui est intervenue sur le renouvellement du balisage. Pour le surfaçage c’est une entreprise guadeloupéenne, Sogetra qui a été retenue. Mais le cahier des charges imposait, et c’est normal, que les entreprises extérieures devaient avoir recours à la main d’œuvre locale. D’autant que la maintenance sera par la suite assurée par des entreprises du territoire. Tout cela a été mené en totale transparence avec la nouvelle mandature.
Quelle sera la prochaine étape ? L’allongement de la piste ?
À ce jour, l’aérogare a été entièrement rénovée (2014), la caserne de pompiers dispose d’une nouvelle vigie (2016), la piste vient d’être refaite et le balisage changé, et à la fin de l’année une boutique duty free sera ouverte en salle d’embarquement. Mais un aéroport est en modification permanente pour optimiser les infrastructures existantes et les améliorer sans cesse. EDEIS a un plan de développement aéroportuaire sur quinze ans. Cette première phase de travaux en fait partie, mais le groupe continuera effectivement à initier de nouvelles modifications. À ce jour, la piste fait 1 200 m de long sur 30 m de large. L’idéal serait de pouvoir l’allonger de 300 m pour accueillir cette aviation d’affaires que nous visons. Cependant il y a de nombreuses contraintes dont nous devons tenir compte comme l’étang à proximité, protégé et sous la responsabilité du Conservatoire du Littoral, la nécessité de déviation de la route et les aménagements que cela engendre dépendant de l’urbanisme, sans compter les réglementations aéronautiques de l’aviation civile. Nous avons rencontré le Président de la Collectivité à deux reprises déjà, mais c’est un projet à long terme qui demande de nombreuses concertations.
Le Groupe EDEIS Concessionnaire expérimenté de plates-formes aéroportuaires et portuaires, EDEIS est présent sur le marché français depuis 2000. Avec 16 aéroports (14 en métropole, 1 à Mayotte et 1 à Saint-Martin), 2 ports, 1 funiculaire et 1 train touristique, EDEIS emploie 475 employés dans son activité de concessions. Sa mission est de développer les infrastructures au service des territoires et de leurs enjeux. Il est également spécialisé dans la gestion de l’aviation d’affaires et propose des services « à la carte » pour chaque client se posant sur l’un des aéroports. Des services qui peuvent être des plus classiques comme le lavage et le nettoyage de l’avion, la réservation d’une limousine mais qui peuvent être également hors normes pour satisfaire à toutes les exigences. Du simple bouquet de fleurs à l’organisation complète du séjour, une personne est spécialement dédiée à ce service à l’aéroport de Grand Case. |
L’aéroport de Grand Case en chiffres • 3 destinations : Saint-Barthélemy (St Barth Commuter), Guadeloupe et Martinique (Air Antilles et Air Caraïbes). • un trafic de 12 000 mouvements par an, • entre 200 000 et 250 000 passagers chaque année, • 130 personnes employées à plein temps : > 4 personnes à la tour de contrôle > 7 pompiers et 2 camions spécifiques, préprogrammés pour un crash capable de rouler à 105 km/h en 3 mn délai d’intervention maximal (les passagers doivent être sortis en 90 secondes) > 3 personnes au service technique, > 19 assistances en escale (bagagistes, agent d’accueil, enregistrement …) > 1 responsable administratif qualité, > 1 responsable sûreté (responsable du sous-traitant qui assure le contrôle des bagages), > 1 personne dédiée à l’aviation d’affaires, > 1 personne responsable de la gestion de l’aéroport, > le personnel des loueurs de voitures, des boutiques, des bureaux de vente des compagnies aériennes, auxquels viennent s’ajouter les chefs d’escale des compagnies et les services de l’État. |
L’aérien au service de la santé L’aéroport de Grand Case est un aéroport de proximité qui reste à taille humaine et c’est ce qui fait la clé de sa réussite en toutes situations. Il a prouvé son rôle majeur après Irma alors que son grand frère Juliana était à terre, mais il a été aussi un lien vital durant la crise du Covid. Selon l’aveu même de Pascal Marcoux, responsable de la gestion de l’aéroport, cette période a été la plus difficile en vingt ans de carrière car il fallait assurer la continuité territoriale alors que tous les aéroports dans le monde étaient eux à l’arrêt. Pendant six mois l’aéroport a fonctionné avec une équipe de dix personnes, toutes volontaires, afin que les analyses des laboratoires puissent être expédiées, que les patients devant suivre leur chimiothérapie puissent le faire à date… En dehors de toute crise ou catastrophe il reste un lien vital qu’il ne faut pas occulter, notamment pour les évacuations sanitaires vers Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France. Depuis octobre 2021, un avion est basé en permanence sur l’aéroport et peut désormais décoller de jour comme de nuit. Un pompier et un agent de la tour de contrôle sont toujours d’astreinte afin que ces évacuations puissent se faire dans des délais très courts. En novembre 2022, l’aéroport a réalisé sa 550e Evasan (évacuation sanitaire). |