Chaque mois, la rédaction se penche sur des métiers exercés avec passion, des carrières d’ultramarins susceptibles d’inspirer et d’encourager les nouvelles générations. Rencontre avec Serge Romana : enfant, il se rêvait pilote de ligne ou astronaute, aujourd’hui, il est chef du service de Médecine génomique des maladies rares de l’enfant de l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris.   

Texte Alix Delmas 

Le 21ème siècle sera celui où les études sur le fonctionnement cérébral vont exploser !

Serge Romana, chef du service de médecine génomique des maladies rares de l’enfant de l’hôpital Necker

Serge, Romana, vous êtes d’abord pédiatre, comment décidez-vous de vous spécialiser en génétique ?   

J’ai fait de la génétique grâce à Camille Berchel et Guy Mérault qui ont beaucoup compté dans mon parcours. Le premier a été mon « maître », celui qui m’a fait aimer la pédiatrie, particulièrement la réanimation néo-natale. C’est lui qui a créé la pédiatrie moderne guadeloupéenne. Guy Mérault était un chercheur qui a implanté la première équipe Inserm des Antilles. Il m’a donné le goût de la recherche. En 1986, Camille Berchel me demande d’aller me former en génétique. C’est un domaine alors en pleine révolution avec l’essor de de la biologie moléculaire. Je m’y plonge corps et âme. J’obtiens une thèse de sciences* en 1995 avec une première mondiale sur l’anomalie chromosomique de structure la plus fréquente dans les leucémies de l’enfant. Ne pouvant retourner en Guadeloupe (la génétique n’étant pas une priorité), je réponds positivement en 1998 à la proposition du service de cytogénétique de l’hôpital Necker d’occuper un poste de MCU-PH*. J’y mets en place le diagnostic préimplantatoire chromosomique en décembre 1999. En 2005, j’obtiens mon habilitation à diriger des recherches, puis en 2007, je deviens PU-PH*.  Aujourd’hui je dirige le service de Médecine génomique des maladies rares de l’enfant de l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris.  

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Quels sont les espoirs à venir dans votre domaine de généticien selon vous Serge Romana ? 

Nous sommes capables de lire le génome de chaque patient dès que cela s’avère nécessaire. C’est ce que nous appelons le séquençage du génome. L’heure est aujourd’hui au développement des tests post-génomiques qui permettent de comprendre les conséquences des anomalies génomiques que nous avons détectées. Ainsi, nous allons pouvoir diagnostiquer dans de nombreux cas, les causes moléculaires responsables de déficiences intellectuelles, de troubles psychiatriques, neurologiques, de déficits immunitaires, de maladies métaboliques, dermatologiques, rénales, cardiologiques…, et de cancers. Ces découvertes vont nous permettre de développer des tests thérapeutiques pour les maladies génétiques en particulier des thérapies géniques. Un des secteurs qui va se développer considérablement sera celui de la neurobiologie. Le 21e siècle sera celui ou les études sur le fonctionnement cérébral vont exploser.  

Comment se sont articulés votre carrière de généticien et votre engagement militant associatif déterminant pour l’édification future du Mémorial national des victimes de l’esclavage au Trocadéro ?   

Devenir médecin est à l’origine une vocation familiale, je suis issu d’une famille de soignants. J’ai toujours été passionné depuis mon enfance par les questions portant sur le sens des choses, de la vie, la biologie (origine, paléontologie, évolution des espèces) et la vie des humains, donc l’Histoire. J’ai eu la chance de rencontrer ma femme, Viviane, qui est la personne la plus intelligente que je connaisse. C’est grâce à son travail de psychologue à travers son champ d’étude, l’ethnopsychiatrie que j’ai compris que nous, Guadeloupéens, avions été construits dans et par l’esclavage. Et l’une des conséquences de cette origine est la rupture d’affiliation avec nos aïeux, or un groupe humain en rupture d’affiliation est condamné à l’errance identitaire. Alors, il nous a fallu inventer des outils pour tenter de rétablir cette filiation, c’est pourquoi nous avons créé un opérateur de mémoire, le CM98*. Dans ce cadre, nous avons créé une journée nationale dédiée à la mémoire des victimes de l’esclavage, le 23 mai qui, après 20 ans de combat est devenue officielle. Ensuite, nous avons déchiffré les archives de la « grande Nomination » qui consista, après l’abolition de l’esclavage, à attribuer des noms de famille aux 163 000 nouveaux libres de la Guadeloupe et de la Martinique qui n’avaient alors qu’un prénom pour identité. Enfin, nous les « connaissions » et nous pouvions les honorer. Ce sont ces noms et prénoms (230 000 personnes pour les quatre anciennes colonies françaises) qui seront gravés sur le Mémorial national des victimes de l’esclavage. Celui-ci sera bientôt érigé dans les jardins du Trocadéro. Quel plus bel hommage, quel meilleur moyen pour les réhabiliter et inverser la honte qui pèse sur leur mémoire ? 

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*MCU-PH : Maître de conférences des universités – Praticien hospitalier 
*PU-PH : Professeur des universités – Praticien hospitalier 
*CM 98 : Comité Marche du 23 mai 1998 
*Intitulé de la thèse : « Étude cytogénétique et moléculaire de la t(12 ;21)(p13 ;q22) des leucémies aigues lymphoblastiques de l’enfant » Université Paris VII –  

Pour en savoir plus :  
Site web
Site web de CM98