Du CE1 jusqu’à la 6e, les établissements scolaires peuvent intégrer à leur programme des aires marines éducatives. Alors, on vous amène avec nous à l’école pour comprendre la mer ?

Texte Yva Gelin – Photo Jean-Albert Coopmann

A l’école, comprendre les aires marines éducatives

Les aires marines éducatives (AME) sont nées en 2012 aux Marquises. Elles sensibilisent, en lien avec le programme scolaire, les élèves au milieu marin. La toute première AME en Martinique s’est implantée dans la commune du Carbet en 2016. C’est donc dans une classe de 6e, au collège du Carbet, que nous nous sommes immiscés un mardi matin pour assister à un des trois ateliers de l’année qui sont réservés à cette sensibilisation.

La cloche vient de sonner l’heure du début de la classe de Sciences et vie de la terre. C’est avec leur enseignante de cette même matière que Mathilde Brassy, responsable du pôle biodiversité au Carbet des Sciences, coordonne le programme.

« Le plus doucement que possible, vous vous asseyez et vous sortez vos cahiers, commence l’enseignante. Chaque élève s’exécute. Il s’agit en réalité d’un ensemble de fiches reprenant les principaux éléments de la thématique choisie. L’année s’organise autour de séances d’assimilation des connaissances et de sortie sur le terrain, dont une en immersion sous l’eau. Les animaux des grands fonds, la thématique de l’année, choisie par les élèves, regorge de mystères comme ils le disent eux-mêmes. « On parle de grands fonds au-delà de 1 000 mètres, et sous ces profondeurs », comme le rappelle Mathilde, « Les conditions de vie ne sont pas les mêmes. Les rayons du soleil ne vont pas à cette profondeur et il y fait plus froid ». Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut revoir ce qui a été appris à la séance précédente.

« Comment appelle-t-on les espèces qui vivent dans les grands fonds ? Des espèces benthiques, répond dans un murmure un élève du milieu de la salle. Et puis des espèces… ? encourage Mathilde. Pélagiques ! répondent cette fois en chœur plusieurs voix. »

Ça y est, la machine est lancée et la séance débute avec le requin baleine. Une espèce qui peut aller jusqu’à 1 200 mètres de profondeur et peser jusqu’à 10 tonnes.

« Et il mange quoi le requin baleine ? Du plancton ! »

Facile, les élèves avaient déjà connaissance du régime alimentaire de la baleine qui est le même. Mathilde anime tous les ateliers au collège du Carbet. Les élèves la connaissent bien et échangent spontanément avec elle. « Au passage, les requins, ce sont des poissons cartilagineux », poursuit-elle. « Mais est-ce qu’il y a une saison où il y a plus de plancton ? », s’inquiète une élève. La réponse se cherche en groupe, grâce aux connaissances déjà acquises à l’école sur la température des différents océans. Passons au requin lutin, qui dispose d’une mâchoire capable de s’avancer pour capturer plus facilement ses proies. « Ce requin, précise Mathilde, vient d’une lignée vieille de 125 millions d’années. C’est un fossile vivant ! » s’étonne un élève du fond de la classe. Mais attention il y a nuance. Madame Cébile, l’enseignante en SVT intervient : « quand on utilise l’expression de fossile vivant, ça veut dire que l’espèce n’évolue plus ».

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Catalogue d’espèces 

Dès qu’une nouvelle espèce est présentée, en plus des photos projetées sur le tableau, des vidéos mettent en scène les animaux en question. Des images prises à l’aide d’un bathyscaphe*. L’engin intrigue beaucoup les élèves, qui en moins d’une minute sont plusieurs à s’interpeller. « Est-ce qu’il y a de la lumière ? Et comment ils font pour l’air ? Mathilde, est-ce qu’il y a aussi des paliers de décompression ? »…

Puis arrivent les fameuses espèces benthique : poisson osseux, capables d’attirer les proies grâce à des effets de bioluminescence, cténaires**, méduses qui piquent… Nous sommes page 6 du fascicule et nous voilà arrivés au Bathynome géant américain dont un élève fait remarquer la ressemblance avec une grosse tique. Et puisque nous sommes dans les profondeurs, il est temps d’aborder les neiges sous-marines, ces particules issues des différents organismes qui meurent dans les océans et se décomposent progressivement. À titre d’exemple, les carcasses des grands animaux marins se décomposent entièrement au bout de 10 ans… Un laps de temps dans lequel d’autres espèces se nourrissent de cette même carcasse. « Rien ne se perd dans la nature. On appelle ça des décomposeurs et ils remettent en circulation des minéraux », poursuit Mathilde. Mais vite, il est temps de passer aux activités et trois groupes sont formés. L’un dispose d’un ouvrage sur le sujet du jour, un deuxième d’un jeu de cartes à images et un troisième recrée la chaîne alimentaire qui unit les animaux vus pendant la séance.

Et puis la cloche sonne déjà. Les élèves, pour la fin de l’année, choisiront un projet pour clôturer la thématique. Mathilde se souvient d’une classe qui, une année, ayant remarqué les mégots sur les plages avaient fabriqué des cendriers de plage. L’objectif est de conscientiser l’univers de la mer à ces jeunes générations, et ce dès l’école. Et puis, il aurait été dommage pour cette école, qu’une route seulement sépare de la mer, de ne pas sensibiliser ses élèves à cet environnement si proche.

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*sous-marins utilisé pour l‘exploration des grands fonds et abysses

** organismes transparents souvent pris pour des méduses